Le groupe Total en procès : Mais le pdg n'est pas dans le box !01/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une-1749.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le groupe Total en procès : Mais le pdg n'est pas dans le box !

Le calendrier judiciaire ramène dans l'actualité un procès qui met en cause la société Total, et dont son PDG, Thierry Desmarest, se serait certainement passé, après la triste notoriété que lui ont donnée le naufrage de l'Erika et l'explosion de l'usine AZF de Toulouse. En effet, le 9 novembre 1992, la raffinerie de Provence à La Mède, à 30 km de Marseille, explosait et était ravagée par un incendie, tuant six ouvriers. Aujourd'hui, des responsables de l'usine et des représentants de l'Etat chargés de la sécurité sont dans le box des accusés. Mais pas le PDG du groupe, et encore moins le système capitaliste qui engendre de tels crimes.

En attendant, il aura fallu près de dix ans pour que cette affaire soit jugée. Cet accident, au moment où il a eu lieu, était le plus grave dans le secteur de la pétrochimie depuis l'explosion des installations Elf-Aquitaine de Feyzin dans le Rhône, en 1966. Depuis, avec l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, le groupe TotalFinaElf a fait pire, la fusion de Total et d'Elf-Aquitaine ayant en quelque sorte multiplié les risques et les responsabilités du groupe de Thierry Desmarest.

Pour l'explosion de La Mède, onze personnes sont mises en examen pour " homicides et blessures involontaires ", mais elles ne seront que dix dans le box car l'une d'entre elles est décédée. Vont donc devoir s'expliquer l'ex-directeur de l'époque, les ex-responsables de la sécurité du site et deux représentants de la Direction régionale de l'industrie, la recherche et l'environnement, une institution de l'Etat chargée en théorie de faire observer les règles de sécurité par les entreprises mais qui, en pratique, quand elle n'est pas complaisante vis-à-vis des grands groupes industriels, n'a guère les moyens de leur faire respecter les règles de sécurité.

La cause matérielle de la fuite de gaz, cause de l'explosion, est un tuyau érodé qui n'avait pas été vérifié depuis 1980, c'est-à-dire douze ans auparavant !

L'enquête a révélé d'autres manquements à la sécurité (une salle de contrôle non protégée, du matériel vétuste et un nombre insuffisant de détecteurs) ou des conditions d'exploitation aggravées (accélération des cycles de marche des installations). Les experts ont souligné un " état métallurgique intolérable " de la canalisation et le " caractère vétuste " et l'" état de délabrement " des installations.

Enfin, un arrêt de la cour d'appel, émis en 2000 sur cette affaire, avait constaté que " les objectifs de production fixés par le siège avaient pris le pas sur toutes autres considérations ". En clair : profit d'abord, sécurité après ! A l'évidence, le groupe Total avait négligé la sécurité mais, bien entendu, la direction de TotalFinaElf conteste cette " expertise externe " et refuse d'assumer ses responsabilités.

Aujourd'hui, dans cette région de l'étang de Berre où les sites classés " Seveso " sont nombreux, cette raffinerie fonctionne à plein régime. Elle transforme huit millions de tonnes de pétrole brut chaque année. Elle est suffisamment prospère pour que Total y ait investi 207 millions d'euros (environ 1,35 milliard de francs), mais on ne sait pas quelle part de cet investissement a été consacrée à la sécurité.

Au cours de ce procès, le groupe Total va donc plaider " non coupable ", contre toutes les évidences. Et même si ses responsabilités étaient finalement reconnues, la peine des prévenus ne sera pas trop lourde puisqu'il s'agit d'un procès en correctionnelle. Ils risquent, au pire, quelques années de prison, très probablement avec sursis, et le PDG du groupe, aucune, puisqu'il n'est pas dans le box.

Ce procès sera suivi attentivement par les victimes du naufrage de l'Erika et de l'explosion de l'usine AZF, habitants du littoral, ouvriers et riverains. Car il donnera, en quelque sorte, un avant-goût de la justice qu'ils peuvent attendre dans cette société, quand les responsabilités d'un grand groupe industriel sont engagées...

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