Cinq ans de participation du PCF au gouvernement : Un bilan qui perd même ses feuilles de vignes25/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1748.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Cinq ans de participation du PCF au gouvernement : Un bilan qui perd même ses feuilles de vignes

La campagne présidentielle s'accélère et elle n'est pas facile pour tout le monde. Robert Hue, par exemple, qui s'est jeté à l'eau vendredi 18 janvier en inaugurant à Nantes la série de ses "grands rassemblements populaires", aurait pu espérer un meilleur contexte.

Il peut certes toujours démarrer en répétant les grands mots creux habituels (une candidature "d'audace sociale"...), en réaffirmant une modestie qui cache mal l'absence de programme ("[il ne s'agit pas de demander] un soutien au Parti communiste, à son projet, [mais de rassembler] dans le rigoureux respect de leur diversité, toutes celles et tous ceux qui veulent dire que la politique doit se faire avec eux et pour eux", etc.). Mais vient un moment où il faut bien parler du bilan de cinq ans de participation du PCF au gouvernement de gauche plurielle.

Le Conseil constitutionnel lave plus blanc

Et la récente annulation, par le Conseil constitutionnel, de l'article 107 de la loi Guigou, dite de modernisation sociale, ne facilite pas la tâche de Robert Hue. Cet article, censé donner une définition plus restrictive des licenciements économiques, résultait d'un amendement présenté les députés communistes que Jospin et Guigou avaient accepté de prendre en compte. Il n'était vraiment pas méchant - rien à voir avec l'interdiction des licenciements - et n'aurait pas vraiment gêné les patrons, même si ça ne les a pas empêché de pousser des cris d'orfraie, étant donné qu'ils n'en sont pas à une ficelle près pour trouver le prétexte juridique ou comptable adapté à leurs charrettes. C'était dérisoire. Mais le Parti communiste avait présenté cet amendement comme la traduction politique de son opposition aux grands plans de licenciements du printemps dernier, en réponse à l'indignation suscitée dans l'électorat populaire. Il tenait à paraître comme capable "d'infléchir à gauche" la politique du gouvernement et à justifier sa claudication "un pied dans le mouvement populaire, un autre dans le gouvernement".

La censure du Conseil constitutionnel ramène donc à rien le bilan de la longue participation communiste au gouvernement sur un des problèmes actuels essentiels de la classe ouvrière : les licenciements et le chômage. Hue en est alors réduit à parler de l'action de Marie Claude Buffet à la Jeunesse et aux sports : des mesures anti-dopages... Mais il est vrai que pour l'électorat comme pour les militants communistes, il n'y a vraiment pas de quoi être dopé.

Alors Hue pousse les hauts cris contre le Conseil constitutionnel, en accusant ses "has been" de rouler "pour la droite et le Medef". C'est sûr : la droite et le Medef n'ont d'ailleurs pas caché leur joie et le contraire eut été vraiment étonnant. Cela dit, ils se sont réjouis davantage pour des raisons politiciennes que parce que cette loi aurait posé un véritable problème aux patrons. En fait, la loi sur l'autorisation administrative de licenciement, pas moins "méchante" que celle proposée par Hue (ni plus ni moins inoffensive), la droite elle-même l'avait inventée en 1975. Et puis, le Medef n'inspire pas que la droite : les idées de la centrale du baron Seillière sur les retraites, les entreprises publiques ou la réforme de l'Etat sont reprises très directement par un certain Fabius, qui reste tout de même pour l'instant le plus en situation de les appliquer !

Il n'empêche, c'est au gouvernement que Hue demande de résister, en "[espérant] que Lionel Jospin aura le courage de réinscrire d'urgence le texte de loi [...] à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale". Mais le PS, lui aussi embarrassé dans cette affaire qui le montre une fois encore impuissant à faire passer ce qu'il décide quand la droite lui met des bâtons dans les roues par Conseil constitutionnel interposé, préfère s'en tenir là et ne pas donner davantage de publicité à cette nouvelle peau de banane. Il avait accordé l'amendement en question au PCF pour le récompenser de ses années de fidélité, et parce que semblait-il, ça ne lui coûtait pas grand-chose. Comme l'explique Jospin, l'article censuré "[conciliait] le droit à l'emploi [...] et le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre" - en clair, il permettait de faire un peu de démagogie sans léser en rien cette liberté du renard dans le poulailler dont parlait Rosa Luxembourg. Le PCF s'est fait enlever son hochet, mais Jospin n'ira pas lui rechercher.

Ne plus tendre l'autre joue ?

Alors Robert Hue de conclure, rageur, que "la gauche doit perdre l'habitude de tendre l'autre joue". Si c'est une autocritique, on peut être sûr qu'elle ne sera pas suivie d'effet. Les militants et les sympathisants du Parti communiste, dont beaucoup subissent, eux, les plans de licenciements, pourraient cependant l'entendre - malgré Hue - dans un autre sens. La seule façon de s'opposer aux licenciements serait en effet d'arrêter de "tendre la joue" et de faire peur aux licencieurs et aux politiques qui les servent, article 107 ou pas. Après tout, en 1995, c'est une vague de grèves, dans les entreprises privées notamment, qui avait été le vrai événement de la campagne présidentielle.

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