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Elf au Congo : Des plates-bandes bien arrosées
L'ancien président du Congo, Pascal Lissouba, aujourd hui réfugié à Londres, vient d'être condamné par un tribunal de Brazzaville à trente ans de travaux forcés pour "haute trahison". Verdict politique, destiné à éliminer un candidat potentiel aux élections qui doivent avoir lieu en 2002, qui ne peut que satisfaire l'actuel président congolais, Denis Sassou-Nguesso, arrivé au pouvoir en 1997 après cinq mois de guerre civile.
Mais si ce procès n'était qu'une parodie, les débats auront au moins permis de démontrer le rôle déterminant d'Elf, et de l'Etat français, dans les manoeuvres pétro-financières qui ont valu à Lissouba d'être condamné.
En 1993, Pascal Lissouba était à court d'argent. Les élections approchaient, les caisses de son parti étaient vides et les fonctionnaires n'avaient pas été payés depuis trois mois. Elf se faisant tirer l'oreille, il s'est tourné vers une compagnie américaine, Oxy, qui lui a avancé 150 millions de dollars en échange de 50 millions de barils de pétrole à livrer plus tard. Les fonctionnaires ont pu être payés et Lissouba a remporté les élections.
Cette irruption d'un concurrent américain dans sa chasse gardée d'Afrique centrale était une grave menace pour Elf. Le Floch-Prigent, à l'époque PDG d'Elf, est alors intervenu auprès du gouvernement français, du FMI et de la Banque mondiale, pour qu'ils contraignent Lissouba à "racheter" le contrat passé entre le gouvernement congolais et Oxy. Sa motivation, a-t-il osé déclarer devant le tribunal, était essentiellement de défendre les intérêts du Congo, car le pétrole bradé par Lissouba à 3 dollars le baril valait à l'époque 17 dollars ! Si Elf se débarrassait en même temps d'un concurrent qui marchait sur ses plates- bandes, c'était pure coïncidence. Pour "racheter" le contrat, dont la valeur avait entretemps un peu gonflé, il fallait 250 millions de francs qui ont bien sûr été avancés par Elf sans rechigner cette fois. C'est sur cette somme que Pascal Lissouba aurait prélevé quelques dizaines de millions de francs pour son compte personnel, ce qui lui vaut aujourd'hui sa condamnation.
L'ex-dirigeant d'Elf, lui, s'il a par ailleurs des "ennuis" judiciaires, a comparu libre. Quant à la compagnie Elf, aujourd hui privatisée et intégrée à TotalFina, elle continue allègrement à arroser les gouvernements africains, à faire pression sur eux, voire à les faire et les défaire, sans qu'il ne soit jamais question, dans son cas, ni de "trahison" ni d'illégalité. Ce genre de manoeuvres, après tout, a toujours été le pain quotidien des grands groupes impérialistes.