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- Lutte ouvrière n°1744
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Rhodia Pont-de-Claix(38) : Atelier TDI = Très Dangereux d'Intervenir
Mardi 4 décembre à 8 heures du matin, vaste remue-ménage dans l'usine. Chacun croit à un exercice d'alerte, car c'est la semaine annuelle de sécurité. En fait, à l'atelier TDI, qui fabrique un produit toxique servant dans la confection des mousses synthétiques pour les habitations et les automobiles, quelques-uns ont déjà mesuré la gravité de l'accident, bien réel.
En effet, lors du démontage d'une tuyauterie qui fonctionne habituellement sous vide, plusieurs dizaines de litres de solvant se répandent sur le sol. Dans ce solvant est dissous du phosgène, ce gaz mortel employé lors de la Première Guerre mondiale. Affolés par l'abondance de l'écoulement, le personnel prend la fuite. Un ouvrier près de la salle de contrôle perçoit l'odeur caractéristique de ce gaz et déclenche l'alerte. C'est alors le rapatriement de cinquante travailleurs dans la salle de contrôle de l'installation, qui sert aussi de local de confinement. Celle-ci aurait dû être sous atmosphère surpressée. Or ce ne fut pas le cas. L'air contaminé rentra dans la salle, et peut-être y a-t-il eu aussi quelques gouttes de produit résultant d'éclaboussures sur les chaussures ou les vêtements. Toujours est-il que les badges, que chacun porte au revers de sa veste, virèrent au rouge, attestant de la présence de phosgène dans ce lieu de confinement. Les pompiers de l'usine intervinrent, évacuèrent ceux qui n'étaient pas équipés de leur masque à gaz. Au total, dix-huit travailleurs furent dirigés sur l'infirmerie et son annexe. Sur ces dix-huit travailleurs, seize sont des salariés d'entreprises sous-traitantes car, depuis quelques années, la plus grande partie des travaux d'entretien et de réparation sont effectués par des entreprises extérieures à Rhodia. Certains resteront plusieurs heures sous inhalation d'oxygène. Ils ressortiront pour rejoindre leur domicile, car le service médical a estimé qu'aucun ne présentait véritablement de symptômes d'intoxication aiguë.
Quant aux causes de la fuite, d'après les premières estimations, il y aurait eu un point bas sur le réseau (phénomène barométrique), et l'ouverture de cette tuyauterie aurait amené le retour du produit vers l'orifice d'intervention. C'est un phénomène connu dans l'industrie. Du reste, lors de réunions de sécurité, c'est souvent évoqué comme étant à l'origine de nombreux accidents. En principe, chaque atelier doit être étudié par une équipe d'ingénieurs qui doit veiller à l'élimination des mauvaises conceptions, qu'elles soient d'origine ou résultant d'un rajout lié à une extension. Mais ce n'est pas obligatoirement fait sur tous les ateliers. En plus, les modifications sont coûteuses, d'autant qu'elles nécessitent l'arrêt de la production souvent sur plusieurs jours. Alors, les patrons ne sont pas pressés de faire quoi que ce soit rapidement. Dans ce cas précis, ça se doublait de l'arrêt définitif d'une installation vieille de quarante ans et bien fatiguée, car l'entretien était de plus en plus espacé pour des raisons d'économies. D'un entretien annuel, l'usine était passée à un entretien tous les trois ans; et maintenant, l'objectif, c'est tous les cinq ans.
Le comble fut qu'au lendemain de l'accident, un membre de la direction de Rhodia déclara aux actualités régionales que tout s'était bien passé pendant la semaine sécurité.
Pour la sécurité des travailleurs et des populations qui habitent autour de l'usine, il serait urgent de changer ce système économique qui, comme on le voit encore dans ce cas, n'hésite pas à menacer des vies humaines pour que les financiers drainent encore plus de profits !