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Dans le monde
Haïti : Misère de la population et exactions des hommes de main
Tentative de coup d'Etat ou coup monté pour justifier une vague de répression contre l'opposition ? Le fait est que, dans la nuit du 16 au 17 décembre, le palais présidentiel, situé en plein centre de Port-au-Prince, a été attaqué par un commando. Après des échanges de coups de feu qui firent cinq morts, les forces loyalistes ont rapidement repris le contrôle de la situation.
Dès l'annonce de cette attaque, des milliers de partisans du président Aristide, armés de bâtons, de machettes et de revolvers, se sont rassemblés dans les rues de la capitale. Ils s'en sont pris violemment à plusieurs journalistes locaux ainsi qu'aux sièges de plusieurs partis d'opposition, dont celui de la Convergence démocratique, qu'ils ont incendiés. Ils ont également saccagé les résidences de deux leaders de l'opposition.
Depuis les élections entachées de fraudes et d'intimidations de mai 2000 qui ont débouché sur la réélection d'Aristide à la présidence en novembre 2000, la tension ne cesse de monter. Les violences perpétrées en toute impunité et les appels au meurtre contre tous ceux qui manifestent leur opposition au clan d'Aristide se multiplient. Les journalistes sont de plus en plus souvent la cible des hommes de main de ce dernier. Depuis le début de l'année, une quinzaine de journalistes ont été agressés par des policiers ou des membres d'organisations se réclamant du courant d'Aristide. L'événement le plus crapuleux a eu lieu début décembre : Fignole Lindor, le directeur d'une station de radio indépendante de Petit-Goâve, a été assassiné à coups de machette et en plein jour par des lavalassiens (partisans d'Aristide).
Ces violences surviennent alors que le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans le marasme et la misère. La monnaie subit une dévaluation effrénée, avec un taux de change qui était récemment de 27 gourdes pour 1 dollar, alors qu'à l'origine le cours officiel était de 5 gourdes pour 1 dollar. Et les récents attentats de New York n'ont fait qu'aggraver cette situation. Après ces événements, une grande partie des Haïtiens expatriés aux Etats-Unis, notamment à New York où la diaspora compte des centaines de milliers de membres, ont été licenciés ou n'ont plus perçu leur salaire, privant du même coup leur famille restée au pays de leurs envois d'argent. D'autre part, en Haïti même, où une majorité d'usines tournent en sous-traitantes de l'industrie américaine, les patrons ont prétexté un ralentissement prévisible des commandes pour licencier ou mettre au chômage de nombreux ouvriers, privant par là même des milliers de personnes des maigres ressources que procure un salaire.
Comme si cette misère ne suffisait pas, la population doit encore subir les affrontements entre les deux factions politiciennes - celle d'Aristide et celle de ses anciens amis, regroupés aujourd'hui dans l'opposition - pour le contrôle du pouvoir. Au cours de ces affrontements, les hommes de main au service de l'une comme de l'autre commettent de nombreuses exactions dans les quartiers populaires. Ainsi en novembre, dans un quartier pauvre de la périphérie de Port-au-Prince, La Saline, deux gangs se sont affrontés pour le contrôle d'un marché et des possibilités de racket des petites marchandes qu'il procure. Un incendie a suivi, détruisant 300 maisons et le peu que possédaient des milliers d'habitants. L'immense bidonville de Cité Soleil a également subi des exactions du même type.
Dans un récent article, un journaliste du Monde écrit que "la dégradation des conditions de vie et l'insécurité ont atteint de telles proportions que même les trafiquants de cocaïne colombiens, qui avaient transformé Haïti en plate-forme pour leur trafic, abandonnent le pays".
En attendant, c'est toute la population pauvre d'Haïti qui est prise en otage, rackettée et fait les frais de cette situation.