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- Lutte ouvrière n°1744
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Dans les entreprises
Bata Moussey (54) : Après 70 ans d'exploitation des travailleurs, Bata laisse une région dévastée
Pour Noël, les 526 travailleurs recevront leur lettre de licenciement. Bata à Moussey, c'est fini. Le 2 janvier, un cadre reprendra 268 travailleurs sur les 875 que comptait Bata au moment du dépôt de bilan en juillet dernier.
Ces dernières semaines l'exaspération avait grandi chez les travailleurs, face à la direction du groupe Bata qui traînait les pieds ne serait-ce que pour discuter des mesures du plan de licenciement. Exaspération qui avait abouti à la "visite" des magasins Bata de Paris. Les négociations ont bien eu lieu - la loi imposant que les licenciements soient prononcés avant le 26 décembre. Au lieu de 31 préretraites à 56 ans, il y aura 64 départs de plus, des salariés ayant entre 53 et 55 ans, qui pourront quitter l'usine sans se retrouver chômeurs. Par ailleurs, il y aura des congés de conversion de 18 mois avec maintien du salaire.
Pour les indemnités de départ, nous sommes loin du compte. L'intersyndicale réclamait 100 000 F d'indemnités de préjudice, plus 10 000 F par année de présence, venant s'ajouter aux indemnités légales. Seuls les travailleurs ayant plus de 30 ans d'ancienneté auront ces 100 000 F. L'indemnité n'est que de 12 000 F pour ceux qui ont un an d'ancienneté, elle augmente de 2 000 F puis de 3 000 F et 5 000 F par année de présence jusqu'à 30 ans d'ancienneté.
Du même ordre que chez Moulinex
L'indemnité est du même ordre que ce qui a été obtenu chez Moulinex. Ce qui ne permettra pas de tenir bien longtemps : à Bata, les salaires sont au niveau du SMIC et les Assedic étant calculés sur le salaire de départ, les travailleurs licenciés devraient, selon l'intersyndicale, toucher 4 743 F d allocation chômage, 800 F de moins que ce qu'ils gagnent actuellement.
Un certain nombre de travailleurs n'étaient pas d'accord avec la présentation qu'a faite la porte-parole de l'intersyndicale parlant d'un plan social "correct". Elle a été sifflée par une partie de l'assemblée générale qui s'est tenue mardi 18 décembre. De plus, c'est sans faire le moindre vote que l'intersyndicale a apposé sa signature au bas du plan social. Mais la majorité des travailleurs étaient las de ces six mois de luttes, de tensions et ne croyaient pas à la possibilité d'obtenir davantage.
Beaucoup ne souhaitent pas rester dans la nouvelle usine - qui s'appellera Hello et doit démarrer au 2 janvier - car ils n'ont pas confiance dans son avenir. Et puis si Hello ferme à son tour, les travailleurs partiront avec rien, la direction Bata - dernière pingrerie - n'ayant pas voulu donner les mêmes garanties aux salariés repris dans Hello, en cas d'échec de la reprise, qu'à ceux qui seront licenciés le 21 décembre.
Au total, Bata ne donne que 52 millions pour le plan social, guère plus que pour le repreneur désigné par le tribunal de Metz (35 millions) et moins de la moitié des 120 millions d'aides publiques qu'il a reçus des pouvoirs publics.
Pouvoirs publics complices
Ceux-ci, de la gauche à la droite, n'ont pas levé le petit doigt contre le terroriste de l'emploi Bata. Pierret, le ministre socialiste de l'Industrie, avait bien déclaré en juin que les agissements de Bata étaient "inacceptables". Mais c'est contre les ouvriers de Bata qui manifestaient à Metz au Conseil régional ou devant les magasins Bata de Metz ou de Paris que les CRS ont été envoyés. Pas contre les patrons licencieurs.
A droite, le président du Conseil général de Moselle, le RPR Philippe Leroy, a écrit à Jospin pour se plaindre que la zone de Sarrebourg soit exclue du bénéfice de la prime à l'aménagement du territoire. Département et Région se préparent à verser de nouvelles aides sous prétexte de créations d'emplois.
Après Flextronics à Lunéville qui a fermé ses portes en novembre, Bata qui licencie aujourd'hui plus de 520 travailleurs, on a appris qu'Atofina à Dieuze (tout proche de Moussey) compte aussi fermer ses portes et supprimer 80 emplois. Atofina, filiale du groupe TotalFinaElf, qui a réalisé l'an dernier le bénéfice le plus gros jamais fait par une entreprise française et qui, pour maintenir son cours à la Bourse, a racheté pendant les 10 premiers mois de cette année, pour 32,8 milliards de francs de ses propres actions ! Pour soutenir les profits - passés, présents ou à venir - ces grands groupes sont prêts à dépenser des dizaines de milliards. Il faudra leur imposer de prendre dessus pour, à l'avenir, interdire tout licenciement.