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Tribune de la minorité
Afghanistan : Des infamies qui en annoncent d'autres
A l'heure où nous écrivons, Ben Laden court toujours, le mollah Omar aussi... Bush peut cependant se féliciter d'avoir abattu le régime des talibans et contraint presque tous les Etats de la région à faire allégeance, sans que l'Arabie saoudite ou le Pakistan ne soient déstabilisés par une vague de révoltes anti-américaines. Mais la victoire (ou prétendue telle) ne rend pas l'impérialisme plus généreux, bien au contraire ! Elle lui donne des ailes, au point de repousser toutes les feuilles de vignes "démocratiques" ou "humanitaires" et tous les prétextes de "lutte antiterroriste" qui pourraient masquer sa politique.
Faut que ça saigne !
A Mazar-e-Charif, les prisonniers talibans mutinés ont été exterminés par l'aviation américaine. 600 morts. Les seigneurs de guerre de l'Alliance du Nord ont fait mourir des dizaines d'autres prisonniers dans des containers, au vu de la presse du monde entier. L'état-major américain, rigolard, affirme ne pas avoir constaté "d'exécutions sommaires". A Tora Bora, les derniers soldats d'Al-Qaida ont voulu se rendre. Pas question, pas de reddition, ont tranché les Américains. Les B-52 les ont donc massacrés. Les journalistes ont rapporté la gêne des chefs afghans pourtant au service des dollars américains : "le code tribal afghan et l'Islam veulent que l'on accorde la clémence aux vaincus". Pas le code tribal de Bush. Son secrétaire à la "Défense", le milliardaire du pétrole Rumsfeld, le répète : "Nous voulons tuer le plus de talibans possibles", "nous ne pouvons pas accepter de prisonniers". Milosevic ou Saddam Hussein à côté de ce cynique ? Presque des angelots, des purs, des hommes d'honneur !
Au début, on nous avait pourtant refait le coup de la guerre humanitaire. Dès la chute de Kaboul, ces derniers scrupules médiatiques sont tombés. L'aviation s'est attaquée franchement à tous les véhicules en circulation, un convoi de camions de l'ONU a été détruit à 80 %, des villages entiers ont été rasés, leurs habitants déchiquetés. Sans voile et sans fioritures. Fini le temps de la Somalie, en 1992, quand un Kouchner débarquait sur la plage, derrière les GI's, avec un gros sac de riz sur le dos. Finie la "défense des droits de l'homme", à coups de bombes il est vrai, au Kosovo. Faut que ça saigne. Et faut que ça se voie.
Le gouvernement américain tient à montrer qu'il reste l'incontestable gendarme du monde, et qu'il est capable de tout, sans scrupules, sans gêne et sans pitié.
Il tient aussi à montrer qu'il ne doit de comptes à personne. Bush a instauré des tribunaux militaires, une justice "d'exception", pour les étrangers. Un millier de détenus croupissent déjà dans les geôles américaines, privés de droits et souvent sans véritable chef d'inculpation. En revanche, le républicain Jesse Helms a fait approuver par le Sénat un projet de loi qui, au titre de la "protection des forces armées", exclut qu'un citoyen américain puisse passer devant la Cour Pénale Internationale, susceptible de juger des crimes de guerre. Les chiens de guerre du Pentagone doivent être assurés de leur impunité.
Le 7 décembre, Bush a dénoncé le traité ABM de 1972, de limitation des missiles, pour relancer la "guerre des étoiles" et l'inflation des crédits militaires. Le même jour, les Etats-Unis ont torpillé la convention internationale contre les "armes de destruction massive" : contre 144 pays qui avaient déjà sorti leur stylo pour signer un accord sur leur interdiction, le représentant américain a refusé tout contrôle sur son sol, par des "experts indépendants", de lieux éventuels de fabrication et de stockage de ces armes biologiques ou chimiques. C'est pour un tel refus que l'Irak est traité "d'Etat voyou", bombardé et affamé depuis 10 ans !
Quant aux Palestiniens, Sharon a désormais carte blanche pour les bombarder, massacrer, étrangler économiquement.
A qui le tour ?
Le gouvernement américain veut cueillir tous les fruits de sa démonstration de force. Bush a promis une guerre "longue" et "internationale". La liste est longue des futures proies possibles des armées américaines. Irak, Soudan, Somalie, Syrie, Yémen, Tadjikistan, Corée du Nord ? Toutes sortes de noms sont cités, pour que personne ne se sente à l'abri. Des conseillers et des crédits supplémentaires sont envoyés à des dictatures, pour intensifier la répression des oppositions. L'armée éthiopienne est invitée à envahir la Somalie pour y détruire de supposées bases islamistes, et les fauteurs de guerre de Washington concoctent de nouveaux prétextes pour régler son compte à l'Irak.
Toute tragédie a ses bouffons : les Jospin et les Chirac après avoir, en vain, fait du coude à coude électoral pour avoir le droit de participer, même symboliquement, à la tuerie afghane, continuent de se dire solidaires des criminels, donc complices des crimes à venir. Ils ont choisi leur camp, celui de nos ennemis, celui qui mène la guerre aux travailleurs et aux peuples du monde entier, y compris ceux des Etats-Unis.