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- Lutte ouvrière n°1742
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Lire : Mémoires d'un révolutionnaire et autres écrits politiques (1908-1947) de Victor Serge
Ce livre d'un millier de pages contient une sélection de textes et d'écrits politiques de Victor Serge, pour certains introuvables depuis des années ou jamais publiés en français, couvrant entre autres la période de la révolution russe et de sa dégénérescence stalinienne. À travers ces pages, le lecteur suit le parcours politique de Serge, depuis sa jeunesse d'anarchiste, gagné à la politique de Lénine et de Trotsky, puis ébranlé dans ses convictions par le stalinisme jusqu'à remettre en cause la capacité de la classe ouvrière à offrir une perspective communiste à l'humanité.
Serge, né en Belgique en 1890 dans une famille russe émigrée politique, fut très tôt indigné par l'injustice et surtout l'immense hypocrisie de la société en place. Il rejoignit la jeunesse socialiste du Parti ouvrier belge, dont il se détourna rapidement, écoeuré par l'opportunisme naissant de ce parti, trop soumis aux règles du parlementarisme. Installé à Paris, il fréquenta le courant individualiste du mouvement anarchiste, dont certains finirent par sombrer dans le banditisme pur et simple. Refusant de se désolidariser de ses compagnons, Serge fut alors condamné à cinq ans de prison qu'il fit intégralement. Libéré en 1917, il partit pour Barcelone où se réveillait le mouvement ouvrier espagnol. Puis, au début de 1919, il réussissait à rejoindre la Russie révolutionnaire.
Serge rejoignit alors les bolcheviks "parce qu'ils accomplissaient tenacement, sans découragement, avec une ardeur magnifique, avec une passion réfléchie, la nécessité même, prenant sur eux toutes les responsabilités et toutes les initiatives". Tout au long de la guerre civile, avec conviction, enthousiasme, Serge collabora aux éditions et à la presse de l'Internationale communiste.
La fin de la guerre civile et le maintien de la révolution furent finalement acquis, mais à quel prix : une économie détruite, ruinée, une classe ouvrière exténuée, les cadres révolutionnaires décimés. Rejoignant le combat de l'Opposition de gauche mené par Trotsky, Serge fit face à la montée en puissance de la bureaucratie et à la mise en place de la dictature personnelle de Staline. Il fut comme tant d'autres exclu du parti, arrêté, déporté ; et il fallut une campagne internationale, menée par des intellectuels et des syndicalistes, pour obtenir sa libération en 1936 et... son expulsion d'URSS. Il mena alors le combat pour défendre à son tour les oppositionnels communistes, internés en Union soviétique, et pour dénoncer les mensonges des procès de Moscou et les coups portés par Staline à la révolution espagnole avec la complicité des partis socialistes.
Dans cette période, Serge s'éloigna de Trotsky et de sa politique. Formé par l'anarchisme, il était enclin à expliquer le stalinisme par le prétendu autoritarisme du parti bolchevik et surtout à identifier à du sectarisme les critiques adressées par Trotsky au POUM espagnol, dont la politique avait pesé dans l'échec de la révolution espagnole de 1936-1937.
Ces événements, mais aussi tant d'autres vécus par un militant qui participa activement aux combats de la classe ouvrière, sont relatés par Victor Serge dans son livre Mémoires d'un révolutionnaire, regroupé ici avec d'autres oeuvres.
Ce volume contient également différents articles de Serge, datant de diverses périodes, comme La Ville en danger ou Lénine 1917, plaidoyer en faveur de la révolution russe et de la politique de Lénine et de Trotsky, de la nécessité d'un pouvoir révolutionnaire déterminé et fort, de la dictature du prolétariat. Dans Vie des révolutionnaires, texte court et particulièrement émouvant, Serge rapporte le combat de militants révolutionnaires russes dont le nom a disparu des mémoires mais qui contribuèrent à l'organisation du mouvement ouvrier. Dans Destin d'une révolution, texte qui date lui de 1937, Serge illustre l'analyse du stalinisme que Trotsky développa dans La révolution trahie, en décrivant ce que l'URSS devint sous Staline.
Victor Serge affirma toute sa vie sa conviction de la nécessité d'un avenir socialiste de l'humanité, même s'il ne fut pas épargné par la vague de démoralisation que le stalinisme engendra. Ses derniers écrits, publiés ici, en témoignent. Mais il n'empêche : c'est la flamme révolutionnaire qui court à travers les écrits de Victor Serge et qui les rend riches d'enseignements pour les combats futurs.
Mémoires d'un révolutionnaire et autres écrits politiques (1908-1947) de Victor Serge, Editions Bouquins, Robert Laffont, 1 050 pages, 199 francs.