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- Lutte ouvrière n°1742
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Dans les entreprises
Beauval (Somme) : Saint Frères cède... pas assez
C'est contre les 98 licenciements à l'usine de sacs plastiques Saint Frères à Beauval (dans la Somme) que les ouvriers se sont une nouvelle fois mis en grève vendredi 30 novembre.
Comme deux semaines auparavant, ils ont organisé une opération escargot sur la nationale qui passe devant l'usine. Les négociations avec la direction ont pris fin en début d'après-midi. Et lorsque les délégués CFDT sont sortis, tous les ouvriers qui manifestaient dans la rue se sont précipités à l'intérieur de la cour de l'usine, à proximité du grand feu de palettes, pour entendre le compte-rendu des syndicalistes. Là, les délégués ont annoncé les propositions de la direction : une prime de 60 000 F en plus des indemnités légales, et 1 500 F par année d'ancienneté (pour un ouvrier ayant travaillé 20 ans, cela fait donc environ 130 000 F).
La direction diminue aussi un peu le nombre des licenciés (à l'origine 98 sur un effectif total de 267 salariés dans l'usine) ; elle propose une quinzaine de reclassements dans d'autres ateliers de l'usine.
Le responsable de la CFDT a souligné que c'est mieux que ce qu'ont obtenu les salariés de Moulinex, et que c'est un progrès par rapport à ce que proposait la direction avant les différentes actions menées par les salariés (les seules indemnités légales pour les licenciés). C'est néanmoins loin de faire le compte pour ces travailleurs qui totalisent pour la majorité d'entre eux plusieurs dizaines d'années passées à travailler dur en production pour enrichir les patrons.
Certains ouvriers ont travaillé 40 ans dans les usines Saint Frères. Fin 1985, après la fermeture de l'usine d'Ailly-sur-Somme, certains avaient dû venir travailler loin de chez eux à Beauval, se levant à 3 heures du matin pour faire la route, et enchaîner une dure journée de travail dans une usine de plus en plus délabrée (dans certains ateliers, l'eau gouttait sur les machines à coudre électriques), avec une discipline sévère (les pauses cigarette ou toilettes étaient chronométrées).
À présent, c'est la fermeture complète de l'usine de Beauval qui est en projet. La direction cherche un repreneur. Pour les salariés d'une cinquantaine ou même d'une quarantaine d'années, cela signifie peu d'espoir de jamais retrouver un travail (beaucoup de ceux qui ont été licenciés il y a deux ans sont toujours au chômage et courent après des CES d'aides-ménagères par exemple).
Alors ce serait bien la moindre des choses que l'entreprise donne aux salariés licenciés suffisamment d'argent pour leur permettre d'avoir jusqu'à leur retraite un revenu égal à leur salaire actuel. Car il n'est pas juste que ce soit aux ouvriers de payer pour cette décision des patrons. Les actionnaires ont les moyens de payer : en moins de deux ans, la société UPM qui possède l'usine Saint Frères a racheté quatre entreprises américaines, chinoises et allemandes, tout en distribuant 3,6 milliards de francs aux actionnaires en l'an 2000. C'est sur ces profits qu'il faut prendre pour assurer au moins une prime de licenciement décente à tous les salariés.