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Au musée de l'Homme à Paris : Grève pour le maintien et la rénovation du musée
Depuis lundi 19 novembre, le musée de l'Homme à Paris est en grève totale. Le hall est occupé en permanence : les 150 employés du musée s'y relaient, qu'ils soient gardiens, restaurateurs d'objets, chercheurs, techniciens...
Cela fait des années que le musée est menacé par l'absence de crédits et par le projet du nouveau musée "des Arts premiers" prévu par Chirac. Ce musée voudrait disposer des collections ethnographiques (300 000 pièces) du premier. C'est en effet le déménagement d'une première partie des objets du musée, sans que le personnel en soit informé, qui a déclenché cette grève. Depuis, ce déménagement est bloqué et tous se mobilisent, au-delà, pour le maintien et la rénovation complète du musée. L'occupation, les manifestations, la recherche de soutiens dans les milieux scientifiques visent à ce que ce maintien et cette rénovation se fassent dans l'esprit scientifique propre au musée, alliant la conservation des collections, la recherche et la diffusion des connaissances (expositions, visites, conférences, colloques, accueil à la bibliothèque, à la photothèque, prêts d'objets à d'autres musées...). Le sort du personnel est aussi au centre de la grève : si les employés fonctionnaires seront reclassés, les cinquante contractuels sont menacés d'être licenciés, alors que certains travaillent là depuis dix ans.
Puisque les Mitterrand, Giscard et autres Pompidou ont les leurs, Chirac veut aussi son musée, tout nouveau sorti de terre, quai Branly sur les bords de Seine. Mais pour ce musée des Arts premiers, il a besoin d'objets d'art qu'il faut extraire des collections d'ethnologie du musée de l'Homme. Le reste sera entreposé dans des hangars, et plus question que cela reste disponible pour les chercheurs...
Les grévistes n'opposent pas les deux musées mais ils n'ont aucune assurance sur le leur, le musée de l'Homme, dont le sort semble suspendu, alors qu'ils estiment qu'il remplit un rôle unique, différent d'un musée d'art, et doit être considéré comme complémentaire.Un milliard et demi de francs ont été prévus pour la construction, 150 millions pour l'acquisition d'objets pour le nouveau musée, mais rien, aucun crédit n'est prévu pour le musée de l'Homme...
La nouvelle loi sur les musées, qui vient d'être votée au Parlement en procédure d'urgence aussi bien par les députés de la droite que par ceux du Parti Socialiste, confirme aussi les grévistes dans leur inquiétude : les objets classés dans les musées pourront être "déclassés" puis vendus.Derrière cela se dessinent des opérations commerciales.Bien sûr, celles-ci se feront sous l'autorité d'une commission.Mais quand on sait comment fonctionnent les commissions de l'Etat, à quelles pressions elles peuvent être soumises, on comprend que les grévistes s'en inquiètent.
L'opération de prestige de Chirac peut aussi se doubler d'une opération immobilière : si les locaux de l'actuel musée de l'Homme étaient libérés, le site, juste en face de la Tour Eiffel et au bord de la Seine, pourrait permettre de juteuses affaires ; mais ce ne serait ni pour la science ni pour la culture mais une vente au plus offrant... et pour gagner gros !
Les arts premiers : après la négation, l'objet de profits
Après la transformation de continents entiers en colonies des puissances européennes, la négation des civilisations conquises, jusqu'à la destruction et l'extermination de peuples entiers, les dignes successeurs de ce colonialisme ont trouvé aujourd'hui le moyen de se faire de l'argent avec les objets de ces mêmes civilisations, en quelque sorte "rescapés" dans des musées comme celui du musée de l'Homme. Ces objets deviennent des marchandises sur un marché spéculatif et peuvent être vendus parfois très cher. Car, par un effet de mode, ils sont transformés, aujourd'hui, en objets d'art.Puis, comme tout objet d'art, ils constituent un moyen de placer son argent pour en rapporter encore plus, en spéculant. Car certains des bourgeois amateurs "d'art premier" estiment que ces objets de civilisations perdues peuvent bien sûr embellir leurs maisons, mais aussi être revendus demain bien plus cher encore.
Alors, collectionneurs ou spéculateurs lorgnent sur le magot du musée de l'Homme. Et le déménagement des collections du musée apparaît aux grévistes comme le prélude inadmissible à cette opération commerciale et spéculative.