- Accueil
- Lutte ouvrière n°1742
- Argentine : Un tour de vis surprise dans un pays déjà exsangue
Dans le monde
Argentine : Un tour de vis surprise dans un pays déjà exsangue
Samedi 1er décembre, le ministre argentin de l'Economie a pris par surprise la population en annonçant que les retraits bancaires seront désormais limités à 250 pesos (en théorie, le peso vaut autant qu'un dollar), soit un retrait d'environ 1 800 francs par compte bancaire et par semaine. Il sera d'autre part interdit de quitter le pays avec plus de mille dollars sur soi.
C'est avec une mesure qui, pour le moment, a eu surtout pour conséquence d'affoler la population, que le président argentin Fernando De la Rua et son ministre de l'Economie, Domingo Cavallo, qui viennent tous deux de subir un revers électoral, prétendent enrayer une fuite des capitaux évaluée à trois milliards de dollars rien que pour le mois de novembre et à 700 millions de dollars pour la seule journée du vendredi 30 novembre.
Si les capitaux fuient l'Argentine, c'est que les porteurs de capitaux, les vrais, pas les salariés argentins à qui le gouvernement vient de décider de compliquer une existence déjà passablement difficile, mais les groupes capitalistes, les établissements financiers, les spéculateurs, ne croient plus que les dirigeants argentins seront capables de sortir l'économie de la récession et de l'endettement qui la frappent depuis des années. Les difficultés économiques ont pris de telles proportions que les experts, qui calculent les risques d'investissement dans les différents pays du monde, classent désormais l'Argentine dans les pays à très haut risque. Cela a eu pour conséquence, tous ces derniers mois, de ralentir puis de geler les opérations financières que différentes entreprises, espagnoles ou autres, avaient pu envisager dans ce pays, en même temps que cela entraînait un ralentissement de l'activité productrice du pays.
La panique déclenchée par cette nouvelle décision concernant les retraits bancaires a vidé les distributeurs de billets en un rien de temps, rendant impossibles y compris les retraits simplement nécessaires aux dépenses quotidiennes de la population. Et, comme pour illustrer l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui ce pays, en même temps que se vidaient les guichets à billets, la rumeur a couru que le pays était au bord de la dévaluation.
Le gouvernement continue de défendre bec et ongles la parité entre le dollar et le peso et dit toujours qu'il n'a pas l'intention de dévaluer. C'est pour tenter de maintenir la parité qu'il multiplie les plans et les mesures d'austérité. Mais en limitant les retraits dans un pays où la carte de crédit sert, pour l'essentiel, à retirer l'argent nécessaire à l'existence quotidienne, et où les petits commerçants ne sont guère disposés à s'équiper à leurs frais en machines à lire les cartes de crédit, le gouvernement risque de ralentir encore une consommation déjà bien mal en point avec la montée du chômage et le développement rapide de la misère, auxquels on a assisté ces derniers mois.
Finalement, sous la pression des banquiers internationaux qui acceptent encore de prêter à l'Argentine pour éviter la faillite, il sera peut-être mis fin au dogme actuel interdisant la dévaluation. Divers économistes internationaux agitent cette idée comme une solution pour relancer l'économie argentine ; mais ce serait là encore peut-être une solution pour sortir des difficultés divers groupes et établissements financiers, argentins ou étrangers, alors que pour la population ce ne serait qu'une autre façon de lui faire payer le marasme économique actuel. Car qui dit dévaluation dit également renchérissement du prix des produits sur le marché intérieur.
Quelle que soit la façon dont on retourne le problème, les classes pauvres, la masse des travailleurs avec ou sans emploi ne peuvent faire confiance à des équipes dirigeantes qui n'ont pour objectif que de préserver les intérêts des classes riches. Ils n'ont pas d'autre choix que la lutte pour imposer leur droit à la vie. Une voie difficile, mais qui est la seule s'ils ne veulent pas que ce soit, une fois encore, les plus riches qui tirent leur épingle du jeu.