Une insécurité qui est sociale30/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1741.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Editorial

Une insécurité qui est sociale

A l'occasion des manifestations de policiers et de femmes de gendarmes qui se sont multipliées ces derniers temps, l'opinion a pu apprendre que ces serviteurs de l'Etat n'étaient pas mieux lotis que les autres, ni en ce qui concerne leurs salaires, qui ne dépassaient guère ceux d'autres fonctionnaires du bas de l'échelle, ni en ce qui concerne leurs conditions de travail, même si nombre d'entre eux exercent une profession que l'on peut considérer comme " à risque ". Tout comme d'autres, tels par exemple les convoyeurs de fonds, dont on évoque les conditions de travail et de rémunération chaque fois que l'un des leurs tombe victime d'un braquage. Cela fournit l'occasion aux autorités ou aux patrons des entreprises de convoyage de verser quelques larmes, aussi officielles qu'hypocrites. Mais d'une fois sur l'autre, on constate que rien n'a changé.

Et l'Etat est aussi pingre avec ses serviteurs que les patrons avec leurs salariés. Il réserve sa générosité aux riches, aux actionnaires, et ne se soucie guère de ceux qui ont pour tâche, entre autres, de protéger leurs biens et de garantir leur ordre social.

Etant donné le rôle particulier des policiers, du fait aussi de la proximité des échéances électorales, il n'a pas fallu bien longtemps pour que le ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, cède à une partie des revendications des policiers. Mais ce recul ne leur a pas suffi. Ils réclament plus. Et il n'est pas impossible que le gouvernement fasse, dans les jours qui viennent, un nouveau geste pour satisfaire les policiers, même si cela conforte du même coup la droite.

Cette fois le gouvernement a su faire machine arrière rapidement. Bien plus vite que lorsqu'il se trouve face aux exigences d'autres salariés de la fonction publique, comme par exemple les infirmières qui réclament en vain depuis des mois des effectifs correspondant à des besoins, ô combien utiles à la collectivité.

La grogne des policiers alimente les discours sécuritaires des politiciens qui battent la campagne, en quête d'électeurs futurs. La droite est évidemment en première ligne. Mais les socialistes se multiplient pour leur disputer cette place. Sans parler de Chevènement, ex-ministre de l'Intérieur de Jospin, qui fait feu de tout bois. Ni les uns ni les autres ne se soucient du fait que cette surenchère conforte un Le Pen, à l'affût, et qui représente, lui, une insécurité mortelle pour les travailleurs.

Les problèmes de sécurité sont réels. Ceux liés à la grande délinquance ont toujours existé et ne dépendent pas de la situation sociale. Mais on ne peut nier que la petite délinquance et l'incivilité se soient accrues. Pas partout dans les mêmes proportions, toutefois. Elles pèsent bien plus dans les cités où vit la population laborieuse. Elles se sont développées en même temps que le chômage, qui engendre à la fois désoeuvrement et pauvreté. Et c'est la population de ces cités qui en subit directement les effets, rendant plus difficile la vie de ceux qui n'ont déjà pas la vie facile.

Les politiciens auront beau rivaliser dans des propositions toujours plus sévères, cela ne réglera rien. Mais cela n'est pas leur souci.

Peut-être cela se traduira-t-il par l'envoi plus fréquent d'escouades de policiers. Mais la situation restera inchangée lorsque ces policiers se retireront. Peut-être implantera-t-on un peu plus de casernes de CRS, des maisons de correction pour des mineurs alors qu'on ne trouve pas d'argent pour construire des écoles pour accueillir les enfants dans des conditions normales. Peut-être généralisera-t-on l'interdiction des attroupements des mineurs de moins de treize ans. Outre ce qu'il y a de choquant dans ces idées, même ceux qui les formulent savent bien qu'elles seront sans effet.

Il faut s'attaquer radicalement à la pauvreté, et en premier lieu au chômage, et pour commencer interdire les licenciements qui l'alimentent. Mais aussi prendre sur la fortune des gros actionnaires, pour qu'ils paient la casse sociale dont ils sont responsables. Ce serait la seule façon sérieuse de couper les racines de l'insécurité.

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