Sur fond d'élections : La grogne des policiers23/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1740.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Sur fond d'élections : La grogne des policiers

"Plus de 2 milliards de francs par rapport à l'exercice précédent. Jamais aucun gouvernement n'a autant fait pour la police", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, devant les députés, s'attirant les huées de la droite quand il a rappelé que sous Pasqua, en 1995, le budget de la police avait stagné, et même diminué sous Debré.

La grogne policière qui s'amplifie au gré des manifestations et autres grèves du zèle, en particulier depuis l'assassinat de policiers au Plessis-Trévise, témoigne apparemment d'un réel "malaise" policier même si elle n'est, bien sûr, pas étrangère à l'approche des élections.

Comme d'autres catégories que la droite courtise traditionnellement au sein de l'appareil d'Etat et de la petite bourgeoisie (gendarmes, médecins, etc.), les policiers en profitent pour se faire entendre. Que la direction du plus important syndicat policier, l'UNSA-police, soit proche du gouvernement et du PS n'y change pas grand-chose. Le SNPT, principal syndicat des policiers en tenue, lui-même adhérent de l'UNSA, reproche précisément à celle-ci sa trop grande connivence avec l'administration. Et d'autres syndicats policiers, proches de la droite, voire de l'extrême droite, ne se font pas faute de pousser à la roue.

Cela se manifeste sur le terrain des revendications matérielles (équipement insuffisant des policiers face au banditisme, salaires insuffisants, mauvaises conditions de travail...) mais aussi politico-démagogiques, par exemple quand ils incriminent la loi Guigou sur la présomption d'innocence, décrite comme trop "laxiste" et "meurtrière" pour les policiers. Pourtant, en l'occurence, c'est en vertu d'une loi de droite - et non de la loi Guigou, qui n'était pas encore entrée en application - que les juges avaient libéré un malfrat qui a, ensuite, tué des policiers.

Cette surenchère a des raisons à la fois politiques et de concurrence entre les syndicats de policiers. Car leur influence, telle que la mesurent les élections professionnelles internes à la police, a une incidence sur les postes auxquels ils peuvent prétendre dans les organismes paritaires et autres rouages administratifs auxquels ils sont associés.

C'est ce qui explique que, malgré un budget jamais aussi important, selon Vaillant, malgré le déblocage de crédits pour acheter plus de gilets pare-balles, de véhicules plus puissants et pour rénover certains locaux, plusieurs syndicats aient claqué la porte des négociations avec le ministre de l'Intérieur, et en appellent à l'arbitrage du Premier ministre... et futur candidat à l'élection présidentielle.

Jospin sera-t-il encore plus généreux que son ministre ? Et cela calmera-t-il la bronca policière ? En tout cas, on voit déjà qu'en ce domaine le gouvernement est bien plus enclin à céder, ou au moins à faire des gestes, que face aux revendications de la classe ouvrière car il veut démontrer qu'il est aux petits soins vis-à-vis de la police.

Evidemment, de ce point de vue, Jospin aurait préféré se contenter de gestes, par exemple de ceux que lui et son gouvernement multiplient en tentant de déborder la droite en matière de discours sécuritaire, cher à l'électorat réactionnaire. Cela ne coûte pas cher en termes de budget, et ce n'est pas le moins important alors que ce gouvernement, à force d'arroser le patronat d'aides, subventions et dégrèvements en tout genre, ne sait plus où trouver l'argent pour les services publics.

Que le grand patronat, la bourgeoisie soient finalement les premiers responsables d'une misère sociale croissante, avec ce que cela implique quant à la délinquance, ce gouvernement le sait bien. Mais pas plus qu'un autre de droite, il n'y peut rien changer car il est au service d'un ordre social injuste.

Des actes d'"incivilité" à l'"insécurité", la dégradation de leurs conditions de travail dont se plaignent les policiers fait partie d'un tout, d'une société rongée par le chômage et dominée par l'exploitation, où le mépris de l'intérêt collectif, des "petits" - y compris des policiers chargés de maintenir cet ordre injuste et de parer comme ils peuvent à ses "débordements" criminalisés - est érigé en règle par ceux-là mêmes qui la dirigent.

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