Moulinex : Le pesant silence des dirigeants des confédérations syndicales23/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1740.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Moulinex : Le pesant silence des dirigeants des confédérations syndicales

Sur les 3 500 salariés de Moulinex promis au licenciement dans les cinq usines de Basse-Normandie dont la fermeture a été décidée dans le cadre du plan de reprise au profit de SEB, seuls ceux de l'usine d'Alençon continuaient à occuper leur usine le 19 novembre. Les salariés et leur syndicat local continuaient à réclamer plus que les 80 000 francs de prime, modulables selon l'ancienneté, proposées par le représentant du gouvernement. Les salariés des autres usines avaient fini, eux, sous la pression et le chantage, par se résoudre à donner leur accord.

Mais si les salariés de Moulinex se sont retrouvés dans l'impasse, l'appétit des patrons et la politique de soumission aux désirs du patronat suivie par le gouvernement en sont évidemment les premières causes. Il faut se rappeler les déclarations hypocrites de Jospin et de sa ministre de l'Emploi, Guigou, qui ont eu le culot et le cynisme de déclarer qu'ils n'abandonneraient pas les salariés de Moulinex à leur sort. On voit ce qu'il en est aujourd'hui, et quelle somme dérisoire est accordée aux salariés. Le compromis imposé ne peut que renforcer la démoralisation ambiante dans le monde ouvrier, en faisant apparaître comme quasiment impossible tout recul sérieux imposé au patronat face aux licenciements. D'autant qu'il s'agit encore d'un conflit dont on a parlé et où des milliers de salariés étaient concernés.

Mais les confédérations syndicales, leurs appareils, ont de leur côté une responsabilité majeure dans ce résultat désastreux. Ce conflit, depuis le début, s'est déroulé dans le silence total de Thibault, Blondel et Notat. Comme larrons en foire, les dirigeants des grandes confédérations syndicales ont mis sur pied la fameuse "unité syndicale" : il y a eu l'unité totale pour ne rien faire, ne rien dire qui dérange de quelque façon que ce soit les plans du patronat, et ceux du gouvernement qui agissait comme l'obligé des premiers.

Thibault, avec ses compères de la CFDT et de FO, se prépare, sans gêne, à aller faire semblant de manifester dans les jours qui viennent... à Bruxelles, alors qu'il a trahi par son silence complice et son inaction volontaire les salariés de Moulinex et tous ceux qui, en France, sont victimes des plans de licenciements, dans les grandes comme les petites entreprises.

Cette attitude est désastreuse car elle contribue à désarmer l'ensemble des travailleurs face aux attaques qui ne cessent de s'aggraver ces derniers temps, et particulièrement depuis la rentrée. Si les grandes confédérations syndicales ne disent rien, ne font rien, ne proposent même rien, cela peut contribuer à convaincre la masse des travailleurs que vraiment il n'y a rien à faire. Et pourtant il serait possible de réagir ; la richesse existe, celle accumulée par les patrons sur le travail de tous. Quant au patronat, il n'est fort que de la division du monde du travail, alors que, quand on attaque les travailleurs d'une entreprise, les travailleurs de toutes les entreprises devraient se sentir attaqués. Car aujourd'hui ce sont tous les travailleurs sans exception qui sont menacés de licenciement. Et pour garantir l'avenir de tous, c'est ensemble que le monde ouvrier devrait faire front et se battre, en commençant par les travailleurs dont les patrons ont aujourd'hui le plus besoin, et qui ne sont pas encore touchés par les licenciements.

La classe ouvrière est tout à fait capable d'entendre et de faire sien ce point de vue. Mais il faudrait que les dirigeants des syndicats, en commençant par ceux de la CGT, tiennent ce langage et développent toute leur politique autour de cet axe, en s'appuyant sur les sentiments existant dans le monde du travail. Or c'est le contraire qui se passe : plus que jamais les dirigeants du syndicat qui était considéré comme le plus actif et ayant les militants les plus contestataires, la CGT, ont une véritable obsession de se montrer responsables vis-à-vis des patrons et du gouvernement, pour faire oublier l'image militante de leur syndicat.

Du coup les militants syndicaux de base sont laissés à eux-mêmes, dans un rapport de forces catastrophique, où les salariés se retrouvent désespérés, le dos au mur. Ceux qui voudront appliquer la ligne confédérale empêcheront toute réaction d'ensemble significative (comme chez Alstom), signeront des accords où les salariés sont sacrifiés comme à AOM- Air Liberté, s'impliqueront même dans le choix des licenciés. Ou alors le résultat ressemblera à celui de Moulinex où, après avoir joué le jeu perdu d'avance de faire la chasse au moins mauvais repreneur, certains responsables syndicaux en viennent à limiter les revendications à peu de choses, en se faisant ensuite les agents, volontaires ou non, de ce maigre compromis.

La politique des confédérations syndicales contribue aussi à amener à ces reculs successifs, elles dont l'attitude de soumission des dirigeants revient à se faire complices des attaques subies par les travailleurs. Et face à cette passivité des confédérations, tous les travailleurs et les militants ouvriers et syndicaux ont la responsabilité d'offrir d'autres perspectives pour en sortir.

Partager