La société d'électricité belge Electrabel vient de remporter un important contrat de fourniture d'électricité contre son rival EDF. C'est, nous dit-on, une des conséquences de l'ouverture du marché à la concurrence pour les très gros consommateurs.

A y regarder de plus près, les choses ne sont pas si simples. D'abord Electrabel est (comme son nom ne l'indique pas) une filiale du groupe français Suez. En second lieu, le marché dont il est question a été remporté par une filiale, baptisée Energie du Rhône, commune à Electrabel et à la Compagnie nationale du Rhône.

Jusqu'à une date récente, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), qui gère un ensemble de centrales hydroélectriques sur le Rhône, était liée à EDF, tout en étant un organisme juridiquement distinct. Mais la CNR a été cédée à Electrabel, c'est-à-dire à Suez, au moyen du tour de passe-passe juridico-financier de la filiale commune Energie du Rhône. Autrement dit c'est tout simplement un cadeau de l'Etat au groupe privé Electrabel.

Enfin, un gros client, cinq arsenaux militaires relevant de la Direction des constructions navales, c'est-à-dire de l'Etat, vient de préférer Electrabel à EDF. Ces arsenaux, c'est-à-dire l'Etat, rachètent donc à Suez l'électricité qui provient d'un cadeau que celui-ci a fait au même trust Suez, et ce dernier est ainsi doublement gagnant.

De toute façon, le courant transitera évidemment par le réseau EDF, puisque EDF a le monopole du transport de l'électricité et que les lignes à haute tension ne distinguent pas les électrons Electrabel des électrons EDF. En revanche les profits empruntent une ligne directe de l'Etat en direction des coffres d'Energie du Rhône-Electrabel-Suez.