Bata-Moussey(54) : Patron et pouvoirs publics jouent l'usure23/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1740.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Bata-Moussey(54) : Patron et pouvoirs publics jouent l'usure

Lundi 19 novembre, nous étions 300 de chez Bata à manifester devant le palais de justice de Metz où le tribunal de commerce examinait les projets de reprise. Ces projets prévoient au mieux de reprendre 360 d'entre nous. C'est dire que 500 d'entre nous -au moins, car on peut aller vers la liquidation judiciaire et la fermeture du site- vont se retrouver sur le carreau.

Depuis le mois de juin -où les syndicats ont appris par une lettre anonyme les projets du groupe Bata de fermer l'usine de Moussey en Moselle- la direction Bata qui a déposé le bilan en juillet n'a rien annoncé quant à l'avenir des 500 qui vont se retrouver à la porte. Elle refuse de discuter du plan "social", des préretraites, des primes de licenciements, etc.

Du coup, l'intersyndicale a claqué la porte du tribunal, estimant que cela n'avait pas de sens de discuter des plans de reprise tant que Bata ne se serait pas engagé sur l'avenir de tous les salariés. Comme l'a rappelé la porte-parole de l'intersyndicale, "il y aura plus de gens licenciés que ceux qui resteront au travail. On veut un plan social exceptionnel, payé par le groupe Bata. Le combat continue."

Parmi les manifestants, le ras-le-bol est de plus en plus grand, avec l'impression que pouvoirs publics et direction se payent notre tête. Ce qui s'est passé chez Moulinex fait discuter. Une banderole a même été accrochée dans un atelier, reprenant la revendication des Moulinex : "Du fric ou boum". Certains trouvent que les Moulinex ont eu bien raison et qu'à Bata nous sommes trop gentils. D'autres pensent que ce n'est pas une solution car, à Bata, toute l'usine ne devrait pas fermer. En tout cas, ici aussi, c'est la revendication d'une prime de licenciement plus élevée que la prime conventionnelle qui est dans tous les esprits : la revendication est une indemnité de 10 000 F par année de présence, dans une usine où beaucoup ont 20 ou 30 ans de travail. Mais cela ne fait pas beaucoup, surtout pour ceux certes peu nombreux qui ont peu d'ancienneté.

Nous sommes en tout cas un certain nombre à penser qu'il faudra se battre de façon plus déterminée et ne plus céder au chantage de la direction, comme ce fut le cas encore il y a quinze jours où, à la demande de l'intersyndicale, on a relâché la direction et arrêté la grève sous prétexte d'obtenir une négociation sur le plan social... qui n'a jamais eu lieu : une fois les directeurs libérés, le patron, menteur comme un arracheur de dents, a prétendu qu'il ne s'agissait pas "de négocier" mais "d'expliquer". Quant au gouvernement, il a nommé une madame Bata chargée, elle aussi, de noyer le poisson.

Alors les Bata aussi pourraient bien finir par prendre le coup de sang.

Correspondant LO

Alcatel-Tourlaville(50) : on n'est pas a vendre !

De mémoire d'ouvrier, on n'avait jamais vu ça à Alcatel : tout le personnel dehors, soit plus de 300 personnes, pendant la matinée du mardi 20 novembre. Ce jour-là, les salariés d'Alcatel étaient en effet appelés à manifester dans toute l'Europe. Il faut dire qu'il y a de quoi !

Les déclarations de Tchuruk, le PDG d'Alcatel, affirmant qu'il voulait une entreprise sans usines, commencent à produire leurs premiers effets. Le centre de Laval a été vendu en avril dernier. Puis le patron a annoncé son intention de vendre Coutances, Saintes et Annecy. Enfin il a mis en vente le centre de Tourlaville, il y a un mois ! Quand on sait qu'à Laval, repris par une des grosses entreprises sous-traitantes mondiales, Flextronics, les patrons sont en train de renégocier les contrats de travail à la baisse et d'annoncer des licenciements, il y a de quoi s'inquiéter.

Les promesses de la direction, personne n'y croit plus. Elle avait affirmé en juin que nous n'étions pas sur la liste des sites à vendre, elle avait annoncé quinze embauches : deux promesses non tenues. On voit le résultat ! Alors, quand elle nous dit à présent que nous n'avons rien à craindre pour nos emplois et que notre niveau de salaire est garanti pendant trois ans, comment peut-on la croire ? Elle sent d'ailleurs parfaitement notre méfiance et tente de nous rassurer sur la qualité des "repreneurs" : la veille du débrayage, nous avons été réunis pour nous entendre vanter les mérites de Sanmina, une entreprise américaine, parmi les cinq premières entreprises mondiales de sous-traitance. Mais ce qu'elle s'est bien gardée de nous dire, c'est que Sanmina était en train de se débarrasser de 30 % de son effectif mondial, soit 7 200 licenciements ! Et comme par hasard, le jour du débrayage, notre patron était... à Laval, pour étudier les conditions de travail là-bas et pouvoir répondre à nos questions. Certains disaient que la coïncidence était bizarre.

L'ambiance était excellente sous le soleil. La présence d'anciens intérimaires et de retraités de l'usine a été chaleureusement applaudie. Et c'est aux cris de "Nous ne sommes pas à vendre" que nous avons défilé en distribuant des tracts aux automobilistes.

Cette journée a été la bienvenue, car elle a permis de voir que nous étions nombreux à nous sentir concernés, d'accord sur le fait de rester Alcatel, sans illusion sur les tentatives de nous rassurer faites à la fois par la direction et par le député et le maire, venus la veille visiter notre centre.

Non, nous ne sommes pas à vendre, et nous n'avons pas fini de le clamer.

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