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Leur société
Toulouse : "on veut des fenêtres avant l'hiver !"
A Toulouse, à l'appel d'associations du quartier du Mirail et avec le soutien d'organisations syndicales et politiques (dont Lutte Ouvrière), le rassemblement sur un parking de supermarché au coeur du Mirail le 11 novembre a été un succès. Malgré le vent glacial, près d'un millier de personnes se sont regroupées dans et autour du chapiteau dressé pour l'occasion. Il s'agissait de protester contre le scandale qui fait que près de deux mois après l'explosion d'AZF, plusieurs milliers de personnes attendent encore le début des travaux, alors que l'hiver est là.
Voici quelques extraits de l'intervention du représentant du Comité des résidents de la cité du Parc, à l'initiative de ce rassemblement.
"Nous avons été victimes de l'explosion d'AZF, il y a un mois et demi. Il y a eu les morts, les blessés et les accidentés du travail. Il y a aujourd'hui les menaces sur l'emploi de centaines de salariés qui ne sont en rien responsables de l'explosion. Et il y a les milliers d'habitants dont le logement a été partiellement ou totalement dévasté et qui voient arriver l'hiver sans fenêtres.
(...) Pour ce qui est des logements complètement détruits, le relogement provisoire des familles continue dans de mauvaises conditions. De nombreuses familles cohabitent encore dans un seul appartement. Et il faut bien le dire, beaucoup de gens ont eu de la chance d'avoir le soutien de leurs amis et de leur famille, car s'il avait fallu compter sur les lois de réquisition, elles seraient encore à la rue.
Pour ce qui est des logements partiellement détériorés et encore habitables, cinquante-deux jours après la catastrophe, les fenêtres et les vitres cassées n'ont pas été remplacées. A la place, il y a des contreplaqués ou des plastiques. Ça laisse passer la poussière, l'humidité et le bruit, et maintenant le froid !
(...) Et qui va payer les charges supplémentaires en gaz et en électricité ?
Malgré les angines, trachéites, grippes qui se multiplient, devrons-nous baisser la tête, mettre trois pulls, et attendre en silence les travaux pour le printemps ? Ce n'est pas possible.
(...) Je ne mets pas en cause les employés municipaux ou les bénévoles qui ont donné de leur temps pour nous aider. Mais nous sommes en droit de nous demander si la vraie raison des cellules de crise n'était pas de nous faire patienter avec une armée de psychologues, de conseillers divers et variés qui ont réussi à nous faire croire qu'on était tous des cas individuels, et qu'il y avait des numéros de téléphone miracles qui allaient régler nos problèmes. On a passé des heures à écouter les petites musiquettes d'attente. Et on a passé des heures à faire des queues pour faire des démarches individuelles, souvent pour obtenir juste un autre numéro de téléphone. Sinistré, c'est un métier à temps complet, mais où on se retrouve tout seuls à se battre contre des services qui se renvoient la balle.
(...) Alors, qu'est-ce qui bloque pour les travaux ? (...) Les entreprises réclament une avance du tiers du montant des travaux. Et rares sont les particuliers ou les copropriétés qui ont ces réserves de trésorerie. L'assurance de l'AZF a souvent promis de faire ces avances, mais ça reste encore à faire ! (...) Quand la demande de fenêtres est dix fois supérieure à l'offre de fenêtres, que se passe-t-il ? Eh bien ce sont ceux qui sont les plus riches, les plus influents qui sont servis les premiers. Pourquoi le lundi 23 septembre toutes les vitrines du centre-ville étaient déjà remplacées ? Et pourquoi après un mois et demi aucune fenêtre n'est encore remplacée à la cité du Parc ? Pour la même raison. Parce que les uns ont les moyens, et les autres non.
(...) Pour transporter les morceaux d'Airbus de Bordeaux à Toulouse, l'Etat a su utiliser une loi autoritaire, une loi d'urgence absolue qui permet d'exproprier les terrains pour élargir la route. Cette loi leur permet de mettre en place une procédure dérogatoire, qui passe par-dessus toutes les autres lois. Pour les morceaux d'Airbus, l'Etat bouscule les lois, alors que pour les sinistrés, il baisse les bras et déclare son impuissance (...).
Nous sommes dans une situation d'urgence absolue. Cinquante mille sinistrés sans fenêtres, c'est un trouble à l'ordre public... C'est à l'État de jouer son rôle et d'intervenir avec ses moyens de contrainte pour un retour rapide à une situation normale. Il doit faire les avances de trésorerie nécessaires pour que les travaux commencent. Il se fera rembourser par AZF ou par les assurances. Il doit passer commande aux entreprises pour qu'elles travaillent en priorité pour les sinistrés."
Du côté de la mairie de Toulouse, avant le rassemblement, le maire Douste-Blazy a fait une conférence de presse pour lever les bras au ciel et étaler son impuissance. Le lendemain même du rassemblement, le lundi 12 novembre au matin, à la première heure, à la cité du Parc, sept camions de la mairie se sont présentés en bas des immeubles avec une dizaine d'ouvriers pour proposer aux habitants de mettre des feuilles de Plexiglass aux fenêtres en remplacement du contreplaqué. Du bricolage, encore et toujours.
Quant au président socialiste du Conseil général, dans un face-à-face télévisé avec un sinistré réclamant des fenêtres, il a parlé de démagogie. Ce n'est pas lui qui grelotte ou paie les notes d'EDF. Il y a bien eu quelques élus socialistes au rassemblement pour affirmer leur solidarité (ça ne leur coûte pas cher) et dire qu'ils feraient le nécessaire pour résoudre ce scandale, qu'ils lui téléphoneraient. Mais Jospin doit être aux abonnés absents. Des discours et... toujours pas de fenêtres.
Pour les responsables locaux des pouvoirs publics, il n'y a rien d'autre à faire que d'être patient. Mais la patience a des limites et les limites ont été dépassées.
C'est ce que doivent affirmer à nouveau les sinistrés le mercredi 14 novembre dans une manifestation des familles l'après-midi, et un rassemblement devant la préfecture en soirée. Le lendemain, jeudi 14 novembre, des délégations massives iront dans cinq mairies de quartier exiger que les pouvoirs publics assument leur rôle.
C'est bien à l'Etat de payer, d'avancer les fonds nécessaires pour que les travaux commencent sans plus tarder, quitte à se faire rembourser plus tard par AZF ou les assurances. C'est bien à l'Etat de passer commande du nécessaire auprès des entreprises pour qu'elles travaillent en priorité pour les sinistrés.
AZF Toulouse : le patron dévoile son plan
Le directeur d'AZF Toulouse a annoncé que tout serait fait pour qu'un "plan industriel" aboutisse à un redémarrage de l'usine, mais que... TotalFinaElf ne s'était pas encore prononcé là-dessus. Un redémarrage de l'usine ? mais avec qui ? Un "plan industriel", mais avec combien de salariés ? Et pourquoi les dirigeants de TotalFinaElf ne se sont pas encore prononcés... près de deux mois après l'explosion ? Qu'attendent-ils pour annoncer vraiment la couleur ? Des questions sans réponses, pour mieux endormir les travailleurs, voilà ce qu'on peut en conclure ! D'autant qu'il n'y a pas que les vagues discours, il y a aussi des mesures bien concrètes.
Pour résumer, les ouvriers seront payés jusqu'en décembre, mais à partir de janvier, à part une centaine d'entre eux qui seront pris à des tâches de sécurité ou à des tâches administratives, le reste, les quatre cinquièmes seront en chômage technique ou partiel, avec des périodes de formation bidon jusqu'en mars, avec une paie diminuée. Et en avril, on nous promet un plan "social" avec comme pour tout plan "social" qui se respecte des reclassements bidons, une antenne emploi. C'est-à-dire que les "volontaires" qui n'auront pas accepté les "mutations temporaires" ou la "mobilité définitive" seront plus ou moins à la rue ou pas loin. Quant aux anciens, le directeur n'a pas dit comment on traitera leur cas.
Le plan du patron est une belle escroquerie. Contre cela, seule la lutte collective, le rapport de forces peut faire en sorte que personne ne passe à la trappe. Mais pour l'instant les syndicats ont l'air de se diriger vers autre chose : peser auprès des "décideurs" pour un plan industriel... meilleur. Quant aux travailleurs, ils sont pour l'instant sous le coup de toutes ces nouvelles très inquiétantes pour leur avenir.
Pourtant, comme le dit le bulletin Lutte Ouvrière - Grande Paroisse (AZF) : "Le seul objectif réaliste c'est de se battre pour la garantie du salaire, ici, à Toulouse, et pour un départ des plus anciens aux meilleures conditions. C'est bien plus réaliste que de courir après des élus en campagne électorale, pour aller contre une décision de fermeture qui avait peut-être déjà été prise avant l'explosion par les dirigeants de TotalFinaElf, même s'ils n'osent pas encore l'annoncer. Nous avons des alliés. Tous les salariés qui se battent aujourd'hui contre les plans de licenciements, mais aussi tous les sinistrés qui se battent pour que Total paie pour la casse dont il est responsable"