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Dans le monde
Pakistan : L'opposition à la guerre
La presse a fait beaucoup de place à la tournée des popotes impérialistes faite par le dictateur pakistanais, le général Musharaf, pour demander la suspension des bombardements en Afghanistan pendant la durée du ramadan. Mais elle n'a pas cru bon de parler des manifestations d'opposition à la guerre qui continuent. Comme si, ne serait-ce que par la taille de sa population - 140 millions d'habitants - et les liens ethniques qu'il a avec la population afghane, le Pakistan n'était pas l'un des facteurs-clés dans l'avenir de la région.
Or deux manifestations d'opposition à la guerre, de nature très différente, ont marqué la semaine du voyage officiel de Musharaf.
La plus importante a eu lieu le 9 novembre. Depuis deux semaines, le Conseil de défense du Pakistan et de l'Afghanistan, qui réunit 35 organisations intégristes, islamiques, appelait à une grève générale pour ce jour-là et à bloquer toutes les grandes voies de circulation. Dans un premier temps le régime avait riposté en arrêtant un certain nombre des leaders intégristes, mais en vain. Etant probablement incapable, et certainement peu désireux, d'un affrontement direct avec les partis intégristes, Musharaf a eu finalement recours à un artifice dérisoire mais révélateur, en faisant du 9 novembre un jour férié... en l'honneur du poète pakistanais Iqbal.
Cela n'a pas empêché cette grève d'être une nouvelle démonstration de force pour les partis intégristes. Les petits patrons et artisans qui dominent le commerce et les transports en commun ont suivi le mot d'ordre dans un grand nombre de villes et, en particulier, la plus importante, Karachi, ainsi que dans tout le Balouchistan, la région frontalière sud de l'Afghanistan. Et même si nombre de ces "grévistes" l'étaient sans doute plus par peur des représailles que pour manifester leur soutien aux intégristes, la paralysie des villes qui en a résulté a constitué un nouveau succès pour les partis intégristes. D'autant que, contrairement aux journées de grève passées, la police avait été mobilisée en masse pour "encourager" les commerçants et transporteurs à ne pas céder à l'intimidation. Mais il faut croire que les intéressés ont trouvé les intégristes plus convaincants que la protection policière !
Trois jours plutôt, le 6 novembre, on avait assisté à Rawalpindi (ville jumelle de la capitale Islamabad avec laquelle elle forme la quatrième agglomération du pays avec quatre millions d'habitants) à la première manifestation nationale de l'opposition anti-cléricale à la guerre. Elle était organisée à l'appel de l'Alliance pour la Paix et la Justice, qui regroupe sous cette bannière légale des centaines de syndicats locaux, de groupes de gauche ou d'extrême gauche et d'associations "civiles" servant de couverture légale à l'activité de leurs militants. 8 000 manifestants ont pu défiler ainsi dans les rues de la ville pour dénoncer à la fois la dictature de Musharaf et les intégristes et réclamer la fin des bombardements en Afghanistan.
Sans doute cette manifestation était-elle modeste comparée aux nombreuses manifestations des organisations intégristes de ces dernières semaines. Sans doute aussi le ton y était-il donné par un courant, représenté entre autres par les trois partis communistes pakistanais, qui préfère afficher les couleurs du pacifisme que se placer clairement sur le terrain des intérêts de classe des masses pauvres, pakistanaises ou afghanes.
Mais au moins les participants à cette manifestation auront fait le choix de ne pas laisser le monopole de l'opposition à la guerre aux seuls intégristes. Et il faut espérer qu'à l'avenir, bien d'autres voix se fassent entendre, en dépassant cette fois le cadre du pacifisme, pour opposer un radicalisme révolutionnaire et de classe au pseudo-radicalisme réactionnaire des partis intégristes.