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Dans le monde
La Chine entre dans l'OMC : Une ouverture qui intéresse les capitalistes étrangers
Les grandes firmes capitalistes qui lorgnent vers le marché chinois pour y étendre leur emprise, et bien sûr leurs profits, n'ont pas attendu que la ratification officielle ait lieu en décembre prochain pour saluer, à leur manière, l'acceptation de l'entrée de la Chine (ainsi que de Taiwan) que vient de décider l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Coca Cola, déjà présent avec vingt-huit usines d'embouteillage et qui y vend près d'un demi-milliard de caisses, entend y investir 150 milliards de dollars pour y implanter six nouvelles usines dans les cinq ans à venir. La compagnie pétrolière BP veut débourser 5 milliards de dollars pendant cinq ans, alors que pour le moment elle n'avait dépensé que 3,5 milliards. EDF, qui espère d'ici six mois y installer une troisième centrale nuclaire, va y transférer son siège de la zone Asie-Pacifique. Motorola compte y investir 6,6 milliards de dollars et Ericsson 5 milliards de dollars. Quant à Alcatel, il va prendre le contrôle de Shangaï Bell pour environ 2 milliards de francs.
Dans la situation de récession généralisée qui se profile, les grandes entreprises capitalistes, qui misent ainsi sur le marché chinois, entendent tirer profit d'une économie qui, malgré le ralentissement actuel, progresse encore au rythme de 7 % de croissance par an.
Les grands groupes capitalistes à l'affût
L'entrée de la Chine dans l'OMC va entraîner l'abaissement des barrières douanières (à titre d'exemple, les droits de douane passent de 80 % à 25 % dans le secteur automobile) et la suppression des quotas qui limitaient l'appétit des grandes entreprises attirées par la Chine. A l'exception du sel et du tabac, tous les produits vont pouvoir se frayer un chemin sur le marché chinois. Les limitations sur la surface des hypermarchés et sur le nombre de points de vente possibles à la même enseigne vont être modifiées. Carrefour, qui a déjà ouvert vingt-sept hypermarchés en Chine, espère ainsi en ouvrir au rythme de dix nouvelles unités par an. Le leader mondial américain, Wal-Mart, a reçu, il y a quelques jours, l'autorisation d'ouvrir ses premiers supermarchés à Pékin. Et, dans ce secteur de la grande distribution alimentaire, plus de deux cents dossiers d'implantations sont en attente.
Si, en théorie, le marché chinois représente 1,3 milliard de consommateurs, en réalité ils sont bien moins nombreux à être solvables. Mais même s'ils n'étaient que 10 % de ce nombre, cela représente un marché potentiel de 130 millions de personnes, ce qui correspond peu ou prou à la couche sociale qui a réussi à prospérer depuis que les dirigeants chinois ont décidé de réformer l'économie et de l'ouvrir à la pénétration capitaliste. Comme l'explique un expert économique chinois proche du pouvoir mais inquiet des conséquences de l'entrée dans l'OMC : "On adhère à l'OMC pour préserver le portefeuille des riches". Il n'est donc pas étonnant que, parmi les entreprises qui applaudissent des deux mains à cette levée des barrières protectionnistes qui limitaient l'entrée des prédateurs impérialistes sur le marché chinois, on trouve les leaders du secteur des produits de luxe et des cosmétiques, la société Louis Vuitton Moët & Chandon Hennessy (LVMH) de Bernard Arnaud ou le parfumeur L'Oréal (dont l'actionnaire principal, Liliane Bettancourt, reste la plus importante fortune de France), qui se réjouissent de pouvoir désormais contrôler leurs propres magasins en Chine, et donc d'augmenter leur emprise commerciale dans ce pays.
le régime invité à paver la route aux capitaux étrangers
Mais l'entrée de la Chine dans l'OMC, c'est-à-dire son alignement sur les règles qui régissent les échanges dans le monde capitaliste, s'accompagne de recommandations qui indiquent bien la nature de ces règles, qui ne sont pas celles d'un échange égalitaire comme voudraient le faire croire les défenseurs du monde impérialiste, mais celles d'un rapport de forces. Les dirigeants chinois sont invités par l'OMC à poursuivre leurs réformes économiques, c'est-à-dire à continuer de démanteler ce qui peut rester d'entreprises étatisées. Il leur est recommandé de continuer une politique économique qui a déjà passablement fait reculer le niveau de vie et la situation de la grande majorité de la population. Car l'ouverture au capital étranger, contrairement à ce que prétendent ceux qui en sont partisans, n'est grosse de développement économique que pour les grandes entreprises qui en bénéficient, et accessoirement pour ceux qui, parmi les classes dirigeantes locales, leur ouvrent la porte. Mais pour la grande majorité de la population, elle amène plutôt un grand bond en arrière.
Et ce n'est pas une clause de style. Les parlementaires européens, qui avaient à donner leur avis sur l'entrée de la Chine dans l'OMC, et qui ont largement approuvé cette entrée, avaient entre les mains un rapport qui ne dissimulait pas grand-chose de l'aggravation des conditions d'existence que cette entrée dans l'OMC pouvait engendrer pour la grande majorité de la population. S'appuyant sur des travaux d'économistes chinois qui, tout en étant en accord avec l'ouverture souhaitée par leurs dirigeants, avaient tenté d'en mesurer les risques, le rapport relevait que "l'économie chinoise n'est pas assez forte, et les catégories les plus pauvres de la population chinoise devront payer le prix fort sous forme de chômage et d'insécurité sociale".
une dégradation pour les ouvriers et les paysans
Ce qui menace la population chinoise, c'est notamment une explosion de chômage comme celle à laquelle on a assisté partout où l'économie étatisée a été démantelée. Dans la situation de précarité où se trouve une très large fraction de la population chinoise, cela ne peut que la plonger dans une misère plus grande. Actuellement, le chômage dans les villes chinoises est estimé à 15 %. Selon les dirigeants chinois, il reste encore 18 % des employés des entreprises d'Etat à licencier. Mais ce n'est pas tout. 30 % de la population paysanne, dans un pays qui compte quelque 900 millions de personnes travaillant dans l'agriculture, serait menacée de perdre toutes ressources. Cent vingt millions de paysans, selon les dirigeants chinois, pourraient se retrouver en situation d'aller chercher du travail en ville (pour autant que celui-ci existe !), du fait qu'ils ne pourront concurrencer l'importation massive de produits agricoles que va engendrer l'entrée dans l'OMC.
Au cours des vingt dernières années, la politique de prétendue réforme avait déjà considérablement détérioré la situation de la population, dégradant le système scolaire comme celui de la santé publique. Mais avec l'entrée dans l'OMC, c'est une série de barrières qui freinaient encore l'entrée du capital étranger sur le marché chinois qui vont sauter. En faisant ce choix, les dirigeants chinois ont choisi de s'aligner un peu plus sur le mode de fonctionnement de l'économie mondiale, celui qui fait pousser les bidonvilles au pied des gratte-ciel. Jusqu'à présent, l'Etat chinois a réussi à prévenir les risques d'explosion sociale qui ne peuvent que naître d'une telle situation. Pour combien de temps ?