Cliniques privées : Soigner les malades ou les profits ?02/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1737.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Cliniques privées : Soigner les malades ou les profits ?

Les 24 et 25 octobre, de nombreux médecins et patrons de cliniques privées ont lancé une opération "cliniques mortes", réclamant six milliards de francs de dotation de l'Etat pour pouvoir, disent-ils, aligner les salaires de leurs infirmières sur ceux de l'hôpital public. Les syndicats de salariés ne s'étaient pas associés à ce mouvement qui pourrait reprendre le 5 novembre.

Les infirmières du secteur privé sont en effet payées environ 1 500 F à 2 000 F de moins qu'à l'hôpital public. Et dans le contexte actuel de pénurie d'infirmières (faute d'avoir prévu à temps leur formation au ministère de la Santé), les cliniques ont du mal à recruter ou à garder leur personnel. Dans la perspective du passage aux 35 heures, de nombreux patrons de cliniques se sont engagés à augmenter leurs effectifs d'infirmières pour pouvoir toucher les substantielles aides prévues par l'Etat. Ils veulent toucher les subventions mais, ne trouvant pas de personnel, ils ont le culot de redemander de l'argent pour que leurs infirmières ne partent pas vers le public !

Pourtant, si les salaires des infirmières sont faibles, ce n'est certainement pas le cas de celui des patrons de cliniques, ni de celui des chirurgiens et médecins qui quittent, eux, le public pour de meilleures rémunérations dans le privé (sans parler des tarifs non conventionnés et des dessous-de-table pour accélérer une opération) !

Les cliniques (1 300 en France), comme toutes les autres entreprises privées, cherchent avant tout à faire du profit. Elles en font d'ailleurs suffisamment pour attirer les capitaux de grands groupes industriels. Car les petites cliniques déficitaires ne doivent pas cacher l'existence de grands groupes financièrement rentables. Ainsi la Générale de Santé, premier groupe européen de cliniques privées, ancienne filiale de Vivendi qui l'a revendue à un fonds d'investissement britannique, Cinven, en gardant une part de 20 %, est cotée en Bourse depuis juin dernier. Ce groupe gère près de 139 cliniques privées aujourd'hui en France. 20 % des cliniques privées sont possédées par des grands groupes : la Générale de Santé (10 % de l'hospitalisation privée), Clininvest, filiale de Suez (2 %), Hexagone, Hospitalisation, Arvita, Santé Investissement.

Les patrons de cliniques crient à l'asphyxie parce que les augmentations de leurs tarifs fixés par l'Etat ne leur permettraient pas de dégager des marges suffisantes pour augmenter les salariés les plus mal payés. Les tarifs ont pourtant déjà été autorisés à augmenter de 4 % en avril dernier et une enveloppe de 180 millions de francs a été octroyée au secteur obstétrique sur deux ans. Comme dans les autres entreprises qui pleurent qu'elles n'ont pas assez d'argent, il serait indispensable de pouvoir contrôler de près les comptes.

Comme il n'est pas question de toucher au profit, c'est vers l'Etat une fois de plus que l'entreprise privée tend la sébile en prétextant que les cliniques remplissent une fonction d'utilité publique en complétant les missions de l'hôpital public. Dans la réalité, les cliniques privées concentrent les soins les plus rémunérateurs et demandant le moins d'investissements (les cliniques assurent ainsi 80 % de la chirurgie ambulatoire, c'est-à-dire sans hébergement), laissant à l'hôpital le soin de s'occuper des cas les plus lourds, les plus rares et les urgences à toute heure.

Si les infirmières du privé ont bien raison d'exiger des salaires corrects, les patrons et médecins des cliniques privées sont particulièrement mal placés pour réclamer des aides supplémentaires (Kouchner, ministre délégué à la Santé, se dit néanmoins prêt à en discuter) afin d'assurer leurs bénéfices sur le dos des malades grâce à une activité, les soins qui sont l'exemple même de ce qui devrait rester un secteur public non lucratif, gratuit et de qualité pour tous.

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