Toulouse : Toujours l'incurie d'AZF26/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1736.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Toulouse : Toujours l'incurie d'AZF

Plus d'un mois après l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, la situation des sinistrés reste toujours aussi catastrophique. Le seul changement concerne les familles évacuées qui étaient hébergées dans des centres de loisirs. La ville de Toulouse a mis le paquet pour se sortir cette épine du pied : proposition de relogement dans les préfectures voisines, et même à Limoges et Mulhouse (!), et installation la semaine dernière de mobile homes à la périphérie toulousaine. Le préfet a également promis d'installer des familles dans des appartements réquisitionnés, mais cela reste encore des promesses. Ces familles relogées ont enfin une intimité, mais la galère continue : déménagement difficile ou impossible, formalités administratives interminables, changement d'école, etc.

Mais le gros problème qui concerne au moins 10 000 foyers est celui des travaux. Et là, c'est la panne sèche : rien n'a commencé, et dans les très rares cas où l'ordre des travaux a été donné, on parle au minimum d'un délai d'un mois et demi pour les commencer.

La colère se manifeste

Mercredi 17 octobre, le comité des résidents de la cité du Parc a organisé une marche de protestation des familles. La marche a regroupé une centaine de personnes derrière une banderole : "Relogements - Travaux - L'État doit réquisitionner". Les slogans lancés par les manifestants, les enfants notamment, disaient l'urgence de la situation des sinistrés : "On veut une maison !". La même banderole s'est retrouvée en tête du cortège lors de la manifestation du comité "Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs" du vendredi 19 qui a rassemblé plus de mille personnes, des sinistrés, des enseignants des écoles endommagées, des étudiants sans chambres, et aussi la banderole de la LCR et celle de Lutte Ouvrière ("TotalFinaElf assassin doit payer les réparations et maintenir l'emploi"). La manifestation s'est terminée par la réquisition symbolique de trois appartements en ville.

Le maire de Toulouse vient d'avertir les Toulousains sinistrés qu'ils ne doivent pas payer la taxe d'habitation que les services fiscaux viennent d'envoyer. Dans le même temps elle admet que la mairie ne peut plus faire face à la situation. Douste-Blazy renvoie donc la patate chaude dans les mains du gouvernement, qui reste toujours muet. On en est là...

Et l'hiver approche ! C'est pour ces raisons que plusieurs comités de sinistrés réclament que l'Etat mette tous ses moyens pour régler ne serait-ce que la pose d'urgence des vitres et fenêtres cassées en réquisitionnant les entreprises nécessaires, voire l'ensemble de la profession dans le mois qui vient.

Pour la petite histoire, on notera que La Dépêche du Midi s'est fait l'écho de l'inquiétude d'un élu socialiste du conseil municipal de Toulouse suite aux interventions du représentant des résidents de la cité du Parc lors des deux réunions exceptionnelles du conseil : "Avec Baudis, ce ne se serait pas passé comme ça. Douste fait des erreurs. Qu'est-ce qui va empêcher désormais n'importe qui de s'exprimer au conseil municipal, sous le prétexte qu'il a un problème ?" Sans doute un adepte de la "démocratie participative" à la sauce socialiste d'aujourd'hui.

Dans les usines, c'est aussi l'inquiétude

Pour ce qui est des entreprises du secteur sud, on a appris que 2 700 déclarations d'accidents du travail étaient parvenues à la Caisse d'assurance maladie, suite à l'explosion. La préfecture estimait mardi 23 octobre à 134 le nombre d'entreprises "dont la pérennité peut être menacée". Cela représente plusieurs milliers d'emplois. Les travailleurs de l'hôpital Marchant, dévasté par l'explosion, seront installés dans les locaux de l'hôpital Larrey. Il aura fallu quelques semaines de manifestations massives pour y parvenir. Une entreprise comme Tolochimie annonce du chômage technique à partir du 1er novembre (une semaine de travail et trois à la maison), indemnisé a-t-on promis à 95 % du salaire (primes non comprises). Quant à Grande Paroisse (AZF) le directeur garantit la paie jusqu'en novembre, mais ne dit rien quant à la suite. Et il y a tout ce que l'on ne sait pas encore, en particulier le sort des travailleurs des entreprises sous-traitantes de Grande Paroisse -AZF ou de la SNPE (CTRA, Ponticelli, Samat, etc.). Et il y a les travailleurs des petites entreprises à proximité, qui ont fermé ou réduit leur activité. Ainsi les employés du magasin Darty détruit sont en bagarre pour obtenir d'être tous repris à Darty Blagnac. Mais pour le moment on ne sait combien ont été purement et simplement licenciés ou même "démissionnés".

L'avenir du site chimique

Après bien des rebondissements et manipulations en tout genre, la thèse de l'incident industriel est désormais la seule retenue. Toutes les tentatives pour disculper les dirigeants de l'entreprise de leurs responsabilités (attentat, missile, éclair lumineux) sont maintenant redevenues des rumeurs sans fondement.

Quant aux autorités, préfecture, mairie, qui ont tout fait pour sauver la mise à Total en reprochant par exemple au procureur chargé de l'enquête d'avoir pronostiqué à 99 % un accident par négligence des dirigeants de l'entreprise, elles ne sont guère payées en retour. Ainsi la direction de Grande Paroisse les a passablement mis dans le pétrin en ne respectant même pas les valeurs limites de rejet fixées par arrêté préfectoral. Les services de la préfecture ont signalé que "10 tonnes d'azote ammoniacal ont été déversées dans la Garonne alors que l'autorisation prévoyait un maximum de 1,5 tonne". Les poissons qui restent encore dans la Garonne n'ont guère apprécié ni les habitants voisins qui s'inquiètent à juste titre de la désinvolture de la direction d'AZF. Surtout quand on sait qu'il reste encore "3 861 tonnes de nitrates d'ammonium agricole et 860 tonnes de nitrates d'ammonium industriel à évacuer d'AZF et... 37 tonnes de phosgène à la SNPE" (chiffres de la préfecture du 23 octobre).

L'Union locale CGT du Mirail reste la seule structure en place pour l'aide aux sinistrés. Au niveau juridique, pour régler les différends avec les assurances, pour discuter des nombreux problèmes d'emploi ou de chômage partiel, des militants venus de leurs entreprises ou de villes voisines donnent de leur temps pour assurer les permanences et les informations dans les zones industrielles. Beaucoup de dévouement face à une tâche considérable.

On discute beaucoup aussi du "maintien du site chimique" qui est une revendication de l'Union locale, malgré la volonté majoritairement exprimée dans les quartiers populaires de voir le site fermé et les dangers qui vont avec disparus du paysage sinon des mémoires. Mais comme le dit le tract Lutte Ouvrière à Grande Paroisse (AZF) : "Moulinex aussi a été maintenu mais seulement avec le tiers des salariés. Alors le seul objectif qui ne laisse personne sur le bord de la route, c'est de faire payer TotalFinaElf, d'exiger de l'Etat la mise sous séquestre des biens et capitaux de TotalFinaElf en garantie du paiement des salaires et des réparations, et aussi de se battre pour la sécurité maximum dans les usines, sous le contrôle direct des salariés et de la population."

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