Secret bancaire et paradis fiscaux ont de beaux jours devant eux26/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1736.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Secret bancaire et paradis fiscaux ont de beaux jours devant eux

Depuis les attentats du 11 septembre, avec une belle hypocrisie, l'ensemble du monde politique et des journalistes redécouvrent que l'opacité financière, le secret bancaire, les paradis fiscaux favorisent "l'argent du terrorisme". Et tous jurent qu'aujourd'hui, ils vont lancer la lutte contre "l'argent sale".

Mais, à part le gel dans quelques banques de quelques avoirs de sociétés dont on nous dit qu'elles sont liées à Ben Laden, aucune mesure concrète n'a été prise contre le secret bancaire et les paradis fiscaux. Par exemple, le G7 réuni à Washington a présenté un plan de lutte contre le financement du terrorisme. Mais il n'a abouti qu'à de vagues recommandations de "supervision des centres off shore", et évidemment pas de suppression. Il a aussi plaidé pour que "les pays fassent plus d'effort pour identifier les clients des banques". Avec cela, l'anonymat des comptes a encore de beaux jours devant lui.

Si les gouvernements des pays impérialistes ont été prompts à bombarder les populations afghanes qui ne sont pour rien dans les attentats de New York, ils sont bien plus circonspects à s'attaquer aux circuits financiers et aux réseaux dont a bénéficié Ben Laden et à remettre en cause le fameux secret bancaire. Et ce n'est pas pour des raisons techniques.

En effet, il serait simple de supprimer tout anonymat dans les transactions financières et bien plus simple d'assurer la traçabilité des capitaux que celui des morceaux de viande. Mais cette opacité, cet anonymat sont protégés par une série de lois, de règlements fiscaux qui protègent le sacro-saint secret des affaires ; dans les paradis fiscaux bien sûr, mais aussi dans tous les centres financiers du monde capitaliste. Car ce secret permet de dissimuler où vont les profits, où va l'argent des entreprises, le produit de l'exploitation. Il cache le parasitisme de la classe des possédants. Ainsi Howard Davies, président de la Financial Services Authority qui contrôle la régularité de la City de Londres, le dit crûment : "La volonté politique est de combattre les abus en matière bancaire. Mais la confidentialité commerciale doit conserver sa place."

Les paradis ficaux et sociétés off shore aussi ont de beaux jours devant eux. Ils sont souvent présentés comme le repaire de dealers et de financiers malfrats. Mais toutes les grandes banques et grandes entreprises comme TotalFinalElf ont des société off shore, des filiales dans des paradis fiscaux. L'exemption d'impôts permet à ces sociétés de basculer leurs bénéfices sur leurs filiales off shore et d'échapper ainsi à l'impôt. Ainsi TotalFinaElf ne paye pratiquement pas d'impôt à l'État français.

Une autre variante consiste aussi pour des grandes entreprises à s'assurer elles-mêmes, en créant leur propre compagnie d'assurances dans un paradis fiscal. Les primes d'assurances gigantesques, qui se comptent en milliards de francs pour des grands groupes, sont déduites de l'impôt de la société, les gains de la compagnie d'assurance off shore sont non imposés et restent dans le groupe. Ainsi rien qu'aux Bermudes, il y avait en 1999 1 500 compagnies d'assurances, gérant 117 milliards de capitaux...

Toutes les grandes banques ont aussi des succursales dans ces paradis et tirent leur profit du blanchiment de l'argent sale. Ainsi la justice a récemment révélé comment des banques françaises comme le Crédit Agricole, Indosuez et la BNP Paribas ont accueilli les sommes faramineuses du clan Abacha, ex-dictateur du Nigeria, qui a volé près de 12 milliards de francs à son pays.

L'argent dit "sale" provenant du crime, de la drogue, de la prostitution est recyclé chaque année pour des montants estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars par des organismes très officiels comme les grandes banques ou les chambres de compensation des marchés financiers. C'est un jeu d'enfant que de blanchir "l'argent sale" car l'anonymat arrange le possesseur et le blanchisseur.

Ainsi l'usage du secret bancaire et des paradis fiscaux, loin d'être l'apanage de truands ou terroristes patentés, est au contraire au coeur du fonctionnement de l'économie capitaliste. Pour elle, argent sale, argent du crime ou argent de l'exploitation, tout cela n'a pas d'odeur.

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