Justice et détention provisoire : Démagogie sécuritaire26/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1736.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Justice et détention provisoire : Démagogie sécuritaire

La probable implication d'un récidiviste dans deux affaires sanglantes, le meurtre de deux policiers au Plessis-Trévise et celui de quatre personnes à Athis-Mons, suscite la colère dans les rangs de la police. De nombreux policiers dénoncent le fait que, bien qu'il ait purgé de nombreuses années de prison pour diverses attaques à main armée, ce truand ait été remis en liberté par la cour d'appel de Paris en décembre 2000, après avoir passé deux ans en détention provisoire pour une autre affaire.

Mais ce qui apparaît comme une bavure de quelques magistrats a aussitôt été exploité par les politiciens de la droite et de l'extrême droite, Jean-Louis Debré en tête. Ils en ont profité pour mettre en accusation la récente loi Guigou sur la présomption d'innocence, limitant la durée de la détention provisoire et confiant à un juge spécifique le soin d'en décider.

Ces gens-là ne manquent évidemment pas de toupet. D'abord parce que, lors du vote de cette loi, peu d'entre eux s'y étaient opposés. Il est vrai qu'elle arrivait à point nommé pour un certain nombre de politiciens et de patrons aux prises avec la justice, que ce soit pour des affaires de financement occulte des partis politiques, des attributions frauduleuses de marchés publics ou des détournements de fonds. Du RPR au PS, les dirigeants des partis ne tenaient pas à partager l'expérience carcérale des Carignon, Noir et autres Le Floch Prigent, fût-ce dans le carré réservé aux personnalités et pour une courte durée.

Ensuite, parce que la décision des juges concernant la remise en liberté du truand a été inspirée par la loi Toubon (nom de l'ancien Garde de Sceaux RPR) du 30 décembre 1996 qui limitait déjà les conditions du placement des suspects en détention provisoire, et non par la loi Guigou, qui n'est entrée en vigueur que le 1er janvier 2001, donc après la décision des juges.

Il est tout aussi malvenu que ces gens-là dénoncent un prétendu "laxisme" de la justice. Comment expliquer sinon que les prisons soient surpeuplées et qu'une majorité de détenus y soient retenus pendant des mois, voire des années, en attente de leur jugement ? A plusieurs reprises, la France a d'ailleurs été condamnée par la Convention européenne des droits de l'homme pour défaut de jugement dans un "délai raisonnable".

Mais ceux qui se livrent à cette démagogie sécuritaire n'en sont pas à un mensonge près, et l'approche des échéances électorales renforce leur audace. D'autant qu'aussi bien au RPR qu'au PS, ils partagent bien des responsabilités dans la situation actuelle, leurs gouvernements successifs ayant contribué au manque de moyens de la justice qui aboutit à l'allongement invraisemblable de la détention provisoire, et d'une façon générale, l'absence de moyens de la société face à la montée de la délinquance. Comme ils cherchent à détourner l'attention de l'opinion quant à leur responsabilité dans la dégradation de la situation sociale, l'augmentation des licenciements et du chômage, qui pousse une fraction de la jeunesse dans cette voie.

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