Grande- Bretagne : Chemins de fer, la privatisation en faillite26/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1736.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande- Bretagne : Chemins de fer, la privatisation en faillite

Le 7 octobre, à Londres, à la demande du gouvernement britannique, les juges de la Haute Cour siégeant en session extraordinaire (un dimanche, c'est tout dire !) prononçaient la faillite de Railtrack, la société privatisée propriétaire des voies de chemin de fer et de la plupart des gares du pays. Et dès le lendemain la cotation en Bourse des actions de Railtrack était suspendue.

Peut-être Blair espérait-il que le scandale serait atténué par le bruit des bombardements commencés la veille en Afghanistan. Mais il n'en a rien été. Au contraire, on a assisté à une levée de boucliers de la part des milieux d'affaires, relayée par une grande partie de la presse, accusant Blair de vouloir "renationaliser Railtrack par la bande". On a même pu voir le PDG de Railtrack se proclamer le champion des intérêts des petits actionnaires et des employés de la compagnie face au gouvernement - ce qui n'a pas manqué de provoquer une certaine hilarité parmi les salariés de Railtrack qui, eux, n'ont pas oublié les réductions d'effectifs et de salaires que ledit PDG leur a imposées.

Il faut dire que ces milieux d'affaires qui, depuis 1996, ont fait leurs choux gras de Railtrack et des autres compagnies privatisées de chemin de fer, grâce aux subventions de l'Etat, ont bien peu la reconnaissance du ventre.

D'autant que, si le gouvernement travailliste est intervenu ainsi en catastrophe, c'est avant tout pour venir en aide aux créanciers - banques et autres institutions financières - à qui Railtrack doit la coquette somme de 36 milliards de francs.

Depuis le scandale causé par le déraillement de Hatfield et ce qu'il avait révélé sur la négligence criminelle des dirigeants de Railtrack, c'est l'Etat qui a payé l'essentiel de la facture de réparation des voies. Des milliards de francs ont ainsi été engloutis dans des travaux improvisés pour faire face aux problèmes de sécurité les plus urgents, alors qu'il aurait fallu un véritable plan de rénovation à l'échelle nationale pour compenser toutes les années de sous-investissement dans les chemins de fer. Et, évidemment, le propre de ce type d'improvisation est de dépasser les coûts et les délais prévus, d'autant plus facilement que les travaux sont confiés à une myriade de sous-traitants privés, pour qui il s'agit avant tout de faire le maximum de profits aux dépens des finances publiques.

C'est ainsi que, malgré les subventions exceptionnelles de l'Etat, les caisses de Railtrack se sont rapidement trouvées vides. D'autant plus vite d'ailleurs que ses dirigeants n'ont pas oublié les intérêts de leurs actionnaires, en leur versant malgré tout 1,6 milliard de francs de dividendes il y a quelques mois, dont près d'un tiers sont allés à ses deux actionnaires principaux - le fonds de placement américain Fidelity et la compagnie d'assurances britannique Standard Life.

Pour autant, et malgré le fait que les subventions accordées à Railtrack au cours de l'année écoulée dépassent largement sa capitalisation boursière actuelle, il ne s'agit en aucun cas pour le gouvernement Blair de "renationaliser" Railtrack. Au contraire, il s'agit de faire en sorte que les chemins de fer puissent continuer à assurer des profits confortables au capital, tout en légitimant une augmentation importante du financement de l'Etat.

Ainsi le premier geste du gouvernement après la mise en faillite de Railtrack a-t-il été d'apporter la garantie de l'Etat à toutes ses dettes bancaires, ce qui signifie qu'à tout moment celui-ci pourra se substituer à Railtrack pour faire face aux échéances, sans avoir pour cela à annoncer de nouvelles subventions.

Pour l'instant, la structure de la compagnie qui remplacera Railtrack en est encore au stade de l'ébauche. Mais ce qui est d'ores et déjà sûr, c'est d'une part qu'elle sera dotée par le gouvernement d'un financement initial d'au moins 10 milliards de francs et que, d'autre part, son objectif sera d'élargir la participation des compagnies privées de transports de voyageurs et de fret à la gestion des voies, "dans le cadre d'un partenariat avec l'Etat", suivant la formule du ministre de l'Industrie, c'est-à-dire avec l'aide de subsides étatiques.

Loin d'une "renationalisation", c'est à une décentralisation de la privatisation qu'on est en train d'assister, mais toujours avec une aide croissante des subventions de l'Etat. Les seuls qui vont faire les frais de cette opération risquent d'être les usagers et les travailleurs de Railtrack. Les premiers parce que, du coup, tous les projets de mise en place à l'échelle nationale de systèmes de sécurité modernes, de même que la rénovation du réseau surchargé de banlieue, sont abandonnés. Et les seconds parce que tout indique que la décentralisation des tâches de Railtrack se traduira par de nouvelles réductions d'effectifs.

Autant dire qu'on n'est pas près de voir la fin du scandale de la privatisation des chemins de fer !

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