En toute "démocratie" : Les Usa à la recherche du futur régime de L'Afghanistan26/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1736.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans le monde

En toute "démocratie" : Les Usa à la recherche du futur régime de L'Afghanistan

En même temps qu'ils écrasent la population afghane sous les bombes, les dirigeants américains s'emploient à mettre sur pied le futur gouvernement du pays. Cela se fait à coups de tractations secrètes, de rencontres à Peshawar entre les émissaires des USA et de l'ONU, les commandants de "l'Alliance du Nord", les envoyés de différents chefs de clans ralliés et tout un monde de notables qui n'attendent que le moment de quitter leurs belles villas au Pakistan pour regagner Kaboul. Fins connaisseurs en matière de démocratie, les services secrets pakistanais tiennent également leur place dans ce ballet. Il n'y a guère que la population afghane dont personne n'envisage de demander l'avis, considéré comme négligeable par tout ce beau monde. Pour les dirigeants américains comme pour les autres, il est tenu pour évident que chefs de tribus et commandants militaires "représentent" les populations qui subissent leur loi, et que la démocratie consiste uniquement à obtenir l'appui de ces seigneurs de la guerre.

Dans la laborieuse gestation de cet "après talibans", on a vu apparaître ces derniers temps un nouveau protagoniste : le "taliban modéré". Il pourrait s'agir de ces commandants ou ministres talibans qui font en ce moment des voyages discrets au Pakistan. Colin Powell, secrétaire d'État américain, a introduit cette nouvelle notion lors de sa conférence de presse commune avec le président pakistanais. "Si vous vous débarrassez du régime actuel a-t-il expliqué, il y aura encore des gens qui peuvent trouver que les enseignements et les croyances du mouvement taliban sont suffisamment importantes pour qu'ils désirent participer au développement d'un nouvel Afghanistan".

Que les enseignements et les croyances en question consistent à soumettre toute la population à une dictature moyenâgeuse, à interdire aux femmes de se soigner, d'étudier, d'avoir la moindre liberté, les forçant à vivre sous la menace permanente de châtiments d'une cruauté inouïe, cela importe peu au secrétaire d'Etat américain. Les images insoutenables diffusées à ce sujet depuis des semaines par les télévisions occidentales sont tout juste bonnes à justifier l'intervention américaine. Mais quand il est question de l'avenir de l'Afghanistan, c'est-à-dire des intérêts des États-Unis dans la région, le dirigeant américain a vite fait de les oublier.

Pourquoi d'ailleurs en serait-il autrement, puisque de telles exactions n'ont pas empêché les USA de soutenir la marche des talibans vers le pouvoir, et qu'elles sont d'ailleurs commises dans bien des dictatures amies des Etats-Unis, comme l'Arabie Saoudite ? Ces talibans, dont les USA aimeraient bien susciter le ralliement, ce n'est pas vis-à-vis des femmes qu'ils leur demandent de la modération, c'est vis-à-vis des intérêts de l'impérialisme américain.

Il faut d'ailleurs avouer que de tels individus ne dépareraient guère dans la coalition hétéroclite que sont en train de mijoter les dirigeants américains dans le dos de la population afghane. Ils prendraient dignement place parmi des chefs de clans dont on nous dit qu'ils vont retourner leur veste grâce aux dollars de la CIA, des commandants de l'Alliance du Nord qui n'ont pas été les derniers à pratiquer viols et tortures quand ils étaient les maîtres à Kaboul, des affairistes promus grandes figures de la résistance, le tout chapeauté par un ex-roi auquel tous ces gens-là reconnaissent pour principal mérite d'avoir 86 ans et donc d'être bientôt appelé à disparaître.

Voilà donc le fin du fin en matière de démocratie pour les dirigeants américains. Sans parler de la manière particulièrement inquiétante dont ils sont en train de jouer sur les particularismes ethniques au sein de cette coalition. Au nom de la nécessité que les Pachtounes soient représentés en force, ils marginalisent l'Alliance du Nord, dont ils se méfient. On voit percer en filigrane la vieille politique consistant à diviser pour régner, chère à tous les colonisateurs, mais qui a déjà fait couler tant de sang en Afghanistan et ailleurs.

Ces manoeuvres menées au nom du peuple afghan, mais en fait sans lui et contre lui, montrent mieux que tout en quoi consiste cette fameuse "démocratie" dont se revendiquent les dirigeants américains. Rien de plus qu'un alibi dont ils peuvent se prévaloir pour bombarder les peuples quand les intérêts de l'impérialisme sont en jeu.

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