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- Lutte ouvrière n°1732
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SNCF - Saint-Pierre-des-Corps : La mort au triage n’est pas une fatalité !
Un jeune, embauché cette année, a été tué dimanche 16 septembre à 11 h 15 au triage SNCF de Saint-Pierre-des-Corps. Il a été heurté par une locomotive servant à la manoeuvre des wagons, alors qu'il traversait les voies.
L'enquête menée par les délégués du CHS/CT est difficile car l'accident s'est produit sans témoin direct, le conducteur n'ayant pas vu ce qui se passait sous le nez de son engin. C'est la stupeur parmi les cheminots de toute fonction qui travaillent sur le triage et au-delà, cela fait 25 ans qu'il n'y avait pas eu d'accident mortel sur le site. Le dernier remonte à 1976 et le camarade tué alors avait été pris entre les tampons de deux wagons lors d'une opération d'accrochage.
Le métier d'enrayeur ou de caleur, qui consiste à caler les wagons avec un sabot d'enrayage que l'on place sur le rail devant le wagon est très dangereux mais, dans le cas présent, c'est la circulation dans les emprises ferroviaires qui a coûté la vie à notre jeune collègue. Et, chaque année, des cheminots de l'exploitation (gare, triage, mouvement des trains) ou de l'équipement (travailleurs de la voie) perdent la vie dans ce type de circonstances, et tous ne sont pas jeunes et inexpérimentés.
Contrairement au directeur régional de la SNCF de Tours, nous ne pensons pas que "la vigilance et la mobilisation de chacun" seront suffisantes pour "éviter qu'un tel drame se renouvelle", même si elles sont nécessaires.
Il y aurait lieu de s'interroger, par exemple, sur l'utilisation pour la manoeuvre des wagons de locomotives de ligne telles les BB 63000 comme celle qui a provoqué l'accident. En effet, la position de la cabine de conduite ne permet pas une bonne visibilité, ce qui explique que le conducteur n'ait pas vu le jeune heurté par cette loco. Dans le passé, la SNCF avait des locomotives spécifiques à la manoeuvre avec une cabine de conduite placée au centre de l'engin qui permettait une meilleure visibilité tous azimuts. Aujourd'hui, on use jusqu'à la corde un vieux matériel de ligne !
Evidemment, l'utilisation de matériel adapté ne supprimerait pas totalement le risque. Ce jeune se trouvait dans le triage parce qu'il y exerçait un métier d'un autre âge, le calage des wagons à la main ! Il serait grand temps que l'on automatise ce genre de travail. L'installation de système automatique de freinage des wagons dit de "tir au but" qui existe sur certains triages, et l'attelage automatique éviteraient l'intervention humaine sur les matériels en mouvement, c'est-à-dire aux moments les plus dangereux. L'attelage automatique existe pour le matériel voyageurs, pourquoi n'est-il pas généralisé aux wagons ? On nous dit, cela coûterait trop cher car il faudrait réaliser cette modification d'attelage sur tous les wagons, dans toute l'Europe en même temps. Ceux qui profitent du service public pour transporter leurs marchandises ne voudraient pas payer l'addition ? Autant de (mauvaises) raisons qui ont fait que ce vaste projet est sans cesse repoussé.
On parle beaucoup de la nécessité de mettre les camions sur le rail et de doubler le trafic fret ferroviaire, ce qui serait effectivement une question de bon sens. Mais qu'attend-t-on pour décider de la modernisation complète du système ferroviaire de transport de fret ? Quant à la Commission européenne, si soucieuse d'ouvrir à la concurrence le fret ferroviaire, elle est beaucoup plus discrète quand il s'agit d'améliorer la sécurité des ouvriers du rail !
Nombreux sont les cheminots qui considèrent qu'il n'y a donc pas de fatalité dans ce type d'accidents. Les moyens de les prévenir existent, mais pour les mettre en oeuvre il faut faire les choix financiers nécessaires. Cette volonté, ni le gouvernement ni la Commission européenne ne l'ont.