Moulinex : Après le dépôt de bilan28/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1732.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Moulinex : Après le dépôt de bilan

Six mois pour trouver des repreneurs : voilà ce que réclamaient le gouvernement, des politiciens et des syndicalistes, depuis l'annonce du dépôt de bilan faite par la direction de Moulinex le 7 septembre. Selon ces bons apôtres, la liquidation était repoussée, la restructuration stoppée et des repreneurs allaient être trouvés. Le patron de Moulinex-Brandt se voulait rassurant en déclarant que la liquidation du groupe "ne saurait être envisagée aujourd'hui". Et le gouvernement y était lui aussi allé de ses couplets lénifiants par la bouche de Jospin qui a déclaré : "Il faut absolument aider les employés de Moulinex" et celle de Pierret, le secrétaire d'Etat à l'Industrie, qui affirmait : "L'Etat ne se dérobera pas et soutiendra une véritable stratégie de reconquête", ajoutant qu'il avait fait appel à "des entreprises privées qui embauchent aujourd'hui".

Tous ces gens-là ne sont jamais avares de paroles pour faire semblant de reculer les échéances et calmer la colère des salariés.

Or cette prétendue "trêve" s'est vite réduite. Et les travailleurs ont à nouveau été mis devant le fait accompli. Sans attendre les six mois qu'autorise la procédure, le 18 septembre sont parus des avis mentionnant le vendredi 21 septembre, à 16 heures, comme "date limite de dépôt des offres de reprise". Date ensuite repoussée au mardi 25. Finalement la seule offre est venue de Fidei, un groupe spécialisé dans le rachat d'entreprises en difficultés, qui a déjà annoncé la disparition des 1 250 emplois de l'usine de Cormelles-le-Royal en Basse-Normandie et des 300 emplois de l'usine de Falaise (Calvados) fabriquant des aspirateurs. Sans compter les conséquences pour les salariés des nombreuses entreprises sous-traitantes de Moulinex.

Devant ces milliers de suppressions d'emplois programmées, le gouvernement et les pouvoirs publics commencent à ressortir leurs discours éculés sur les reconversions et la réindustrialisation de cette région. Recette maintes fois employée, à la satisfaction des patrons grands et petits qui ont empoché des dizaines de millions de subventions, sans avoir le moindre compte à rendre sur les emplois qu'ils étaient censés créer.

Les précédents plans de licenciements opérés par Moulinex en administrent la preuve, si besoin était. En 1996, le PDG de l'époque a fermé l'usine de Granville dans la Manche, qui employait 140 salariés. Sur le site s'installèrent, en 1997, trois entreprises de menuiserie dont les trente emplois étaient réservés à des anciens de Moulinex. Le compte était déjà loin d'y être mais, deux ans plus tard, les trois menuiseries furent placées en redressement judiciaire. En 2000, l'ancien directeur a été écroué pour abus de biens sociaux et escroquerie en bande organisée. Pendant ce temps, la direction de Moulinex a continué à sabrer les emplois et en 1998 les usines de Mamers (402 emplois) dans la Sarthe et d'Argentan (268 emplois) dans l'Orne furent fermées. Pendant ce temps, l'argent continuait de couler à flots pour le patronat. L'Etat et la Région versèrent chacun 20 millions de francs à un "fonds de réindustrialisation". Quelques mois plus tard tout ce beau monde ne manqua pas de se gargariser de 120 nouveaux emplois créés à Argentan, en réalité seulement la moitié des emplois disparus. Et ces nouveaux emplois étaient tous masculins (dans la métallo-soudure et l'imprimerie notamment) alors que 95 % des salariés de Moulinex étaient des femmes.

Et ce n'est pas ce qui s'est passé en Basse-Normandie, région où se situe la majorité des 10 000 salariés de Moulinex dont l'emploi est menacé, qui démontre le contraire. En 1993, fermait à Caen la Société Métallurgique de Normandie (SMN), filiale d'Usinor-Sacilor. Environ une centaine de salariés ont été réembauchés... par Moulinex. Et à l'initiative du district de Caen, qui n'a pas manqué d'y apporter sa contribution, l'ancien site de la SMN a été remplacé par une zone d'activités agroalimentaires, appelée Normandial. Disons en passant qu'à son palmarès on trouve 40 emplois dans une unité de steaks hachés, dont le PDG vient d'être condamné pour "commercialisation de denrées falsifiées". En 1999, huit patients de l'hôpital d'Amiens avaient été atteints de salmonellose après avoir consommé des steaks de cette entreprise.

S'y ajoutent enfin 23 emplois liés au découpage de porcs. En tout moins de cent emplois, qui n'ont d'ailleurs pas été créés mais transférés pour bénéficier des avantages liés à ce genre de zones.

Alors, même si SEB reprenait Moulinex, cela aboutira, comme l'annonce d'ores et déjà la direction, à des milliers d'emplois supprimés. Et les prétendues solutions que présentent à chaque fois les pouvoirs publics ne constituent que des leurres pour les travailleurs et de l'argent public dépensé sciemment par le gouvernement pour satisfaire les patrons, mais en pure perte pour les emplois.

Ce qui est urgent en revanche pour stopper cette hécatombe d'emplois infligée par les patrons, même si cela plonge des régions entières dans une situation désastreuse, c'est que tous ensemble les travailleurs imposent l'interdiction des licenciements. Ce n'est pas parce qu'une entreprise comme Moulinex a déposé son bilan que ses actionnaires sont sur la paille. Alors il n'y a aucune raison que les travailleurs fassent les frais de leur politique, qui vise simplement à gagner encore plus.

Partager