Les sales croisades du "bien" contre le "mal"21/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1731.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Les sales croisades du "bien" contre le "mal"

Nous allons engager "une lutte monumentale du Bien contre le Mal" a promis George Bush, se posant en nouvel ayatollah bien chrétien du monde occidental, tout en appelant à la "croisade" contre le terrorisme islamiste. Ben Laden lui-même ne renierait pas la formule. A fou de dieu, fou de dieu et demi ?

Des exaltés criminels se sont fait sauter sur New York et le Pentagone, en faisant d'un coup près de 6 000 victimes civiles. Mais la solution serait-elle de faire des dizaines, des centaines de milliers de victimes civiles en Afghanistan ou ailleurs, sans même sans doute se débarrasser de l'organisateur présumé de l'attentat, Ben Laden ?

A entendre les réactions de New-yorkais retransmises par la radio, ce n'est franchement pas ce que souhaite une bonne partie du peuple américain lui-même, qui en la circonstance fait preuve de plus d'intelligence et de lucidité que son président. Car ce type de vengeance, le peuple américain, ainsi que les peuples européens, ont déjà donné, à en être dégoûtés, comme lors de la guerre du Golfe où les bombardements ont fait en quelques semaines 200 000 victimes civiles en Irak, alors que Saddam Hussein est toujours là. Comme lors des bombardements en Serbie, où les grandes puissances ont eu vite fait d'assimiler le peuple serbe à son dictateur.

Le Bien contre le Mal, dit Bush. Vraiment "contre" ? En la circonstance, il y a de quoi se poser des questions. Ce milliardaire Saoudien, Oussama Ben Laden, désigné comme responsable des attentats de la semaine dernière, a été recruté en 1979 par la CIA, à Istanbul, pour organiser et financer les différents réseaux islamistes envoyés faire la guerre en Afghanistan contre l'armée russe. Ben Laden a été un agent direct de la CIA américaine pendant plus de dix ans. Ensuite, installé au Soudan, puis en Afghanistan, il est resté en liaison étroite avec les services secrets saoudiens, qui eux-mêmes ont des liens plus qu'intimes avec les services américains. Qui manipule qui dans ces réseaux du crime d'Etat, du crime institutionnalisé à l'échelle mondiale ? Allez savoir. Les principaux Etats qui protègent Ben Laden sont pratiquement tous des protectorats américains : la très réactionnaire Arabie Saoudite tout d'abord, qui sert de première base militaire... et pétrolière américaine au Moyen Orient, et le Pakistan, qui est l'un des Etats islamistes sur lequel la puissance américaine s'appuie pour garantir son ordre dans la région.

Ben Laden lui-même, dont la famille s'est construit un empire financier dans le béton, est à l'Arabie Saoudite ce qu'un Bouygues est à la France. Il fait partie de la grande bourgeoisie saoudienne, en fait de cette bourgeoisie internationale parfaitement intégrée à la grande bourgeoisie occidentale qui a toutes ses entrées dans les centres financiers de Londres, New York ou Paris.

Tout cela, bien sûr, en dit long sur ceux qui inspirent ces réseaux terroristes, une extrême droite obscurantiste sur laquelle mise toute une partie de la grande bourgeoisie (bien occidentalisée) des pays pétroliers, mais aussi sur lesquels ont misé, à un moment ou un autre, bien des gouvernements occidentaux. Les Ben Laden et leurs pareils, sont en réalité les pires adversaires des peuples pauvres et opprimés au nom desquels ils prétendent parler. L'enrôlement de la jeunesse désespérée des pays pauvres derrière l'extrême droite religieuse et obscurantiste est moins dangereuse pour l'ordre capitaliste mondial, que le risque de véritable explosion sociale.

Evidemment, cela a tout de même un prix pour les pays riches. Il y a parfois un effet boomerang, comme on l'a vu la semaine dernière, où le peuple américain a payé pour la politique et les coups tordus de ses gouvernants, mais aussi, au bout du compte, pour la terreur à grande échelle que l'Etat américain a pratiqué aux quatre coins de la planète depuis plus d'un demi-siècle. Et pas seulement l'Etat américain. A commencer par la France, qui a sa part de responsabilité dans la terreur mondialisée. N'oublions pas les massacres du Rwanda, où le gouvernement français a armé les assassins, et ceux du Congo-Brazzaville, où ELF a financé les bandes armées.

Surtout, ne marchons pas dans les croisades contre les pays pauvres dans lesquelles nos dirigeants voudraient nous enrôler !

Editorial des bulletins d'entreprise "L'Etincelle" de la minorité du 17 septembre 2001

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