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- Lutte ouvrière n°1731
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Attentats de New York - Les actionnaires, les compagnies aériennes et les autres : Le "patriotisme" n'empêche pas les licenciements
La Bourse de New York a rouvert le 17 septembre, après près d'une semaine de clôture due aux attentats. Les jours précédents, craignant un effondrement des cours, les autorités avaient publiquement fait appel au "patriotisme" des détenteurs d'actions, en leur demandant de ne pas les vendre.
La cérémonie de réouverture a, elle, suivi un scénario très patriotique : sauveteurs ouvrant la séance, minute de silence, hymne national invoquant la bénédiction divine sur l'Amérique. L'indice des valeurs cotées, le Dow Jones, n'en a pas moins reculé de 7,3 %. Une baisse modérée évitant un krach, ont dit les commentateurs, mais avec de très fortes chutes (jusqu'à plus de 50 % sur les titres des compagnies aériennes dont la capitalisation boursière a fondu de 11 milliards de dollars en une heure de cotation !) à côté de quelques hausses.
En effet, alors que les valeurs des compagnies pétrolières flambaient, comme celles des sociétés d'armement (et pour les mêmes raisons que lors des crises du Golfe ou des Balkans, lorsqu'en Occident les bruits de bottes s'étaient précisés), d'autres sociétés voyaient le cours de leurs actions s'effondrer. En particulier les compagnies d'assurance (qui ont à verser des dizaines de milliards de dollars pour indemniser les victimes des attentats) et les compagnies aériennes déjà citées.
Si, pour paraphraser Bush, "toute l'Amérique est en deuil", la soif de profit des actionnaires et spéculateurs, elle, n'est pas en berne. Ils ont vendu massivement les actions de sociétés présentées comme traversant une mauvaise passe. Celles-ci, avant la réouverture de Wall Street, avaient d'ailleurs pris les devants. Ainsi, les compagnies aériennes avaient toutes annoncé qu'elles réduiraient leurs activités et leurs effectifs (11 000 suppressions d'emplois annoncées chez US Airways, par exemple). Se présentant en victimes des attentats (du fait des avions détournés et détruits, et de la perte de confiance du public, voire de sa peur de voyager, etc.), elles ont surtout vu une aubaine dans les drames du 11 septembre.
En effet, cela fait des mois que le trafic aérien, en forte accélération ces dernières années, marque le pas et, surtout, que les rentrées des compagnies stagnent voire régressent. Cela tient notamment à une forte réduction du nombre des "gros contributeurs", c'est-à-dire des voyageurs de première classe ou de classe affaires, ceux qui assurent la recette unitaire la plus élevée sur les lignes transatlatiques et surtout américaines (ces dernières représentant plus de la moitié du trafic aérien mondial).
Certains avancent l'explication suivante : en crevant, la bulle de richesse spéculative dans laquelle évoluaient les sociétés dites de "nouvelles technologies", leurs dirigeants et hauts cadres, aurait privé les compagnies d'une partie fort rentable de leur clientèle. Or, comme c'est sur elles que les principales compagnies des pays riches avaient misé leur stratégie commerciale, elles connaissent actuellement certaines difficultés. Des difficultés encore aggravées par la concurrence au couteau qu'elles se livrent pour accaparer la meilleure part du gâteau. C'est d'ailleurs ce qui explique que de grandes compagnies, cette fois hors des Etats-Unis, telles Air France, Alitalia ou British Airways, ont également vu chuter le prix de leurs actions ces jours-ci.
Avec le même ton compassionnel dont les hommes politiques américains se sont fait une règle ces jours derniers, le secrétaire d'Etat américain au Trésor s'est empressé de déclarer : "Nous ne pouvons pas laisser les compagnies aériennes s'écrouler". Et de leur proposer un programme d'aides de 15 milliards de dollars ! Comme quoi, dans ce pays que les chantres du "marché" et de la "libre entreprise" donnent, ici ou ailleurs, en modèle de non-intervention de l'Etat, c'est encore ce dernier que les capitalistes appellent au secours au moindre problème, sachant qu'ils pourront compter sur lui. Car c'est grâce à lui que les compagnies aériennes qui survivront (Midway venant de déposer son bilan) pourront se refaire une trésorerie, fermer les lignes les moins rentables et se débarrasser de leurs appareils les plus anciens, les plus coûteux car consommant beaucoup de kérosène. Et tout cela, en étant présentés comme à plaindre par les dirigeants du pays !
Les pirates de l'air qui ont détourné leurs appareils ont aussi donné un beau prétexte à l'Etat américain pour arroser de subventions les Delta, Continental, American Airlines et autres.