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Dans les entreprises
Moulinex : Des actionnaires qui se sont bien enrichis
Pour justifier le dépôt de bilan, le PDG Patrick Puy - ainsi qu'une partie de la presse française - invoquent le refus du holding italien ELFI, qui détient 74 % du capital de Moulinex-Brandt, d'injecter une partie des 230 millions d'euros (1,5 milliard de francs) nécessaires au financement du plan de restructuration, laissant entendre que ce plan était "une solution". Une "solution" qui prévoyait, ne l'oublions pas, de licencier 4 000 salariés dont 1 500 en France et la fermeture de trois usines ! On parle "endettement" et "déficit" de l'entreprise, mais on est discret sur les milliards encaissés par les actionnaires sous forme de dividendes, lors des années fastes, et sur les subventions à l'emploi accordées par le gouvernement.
Dans cette histoire tout le monde ment. Le PDG actuel a été nommé, au printemps dernier, par ce même groupe italien, ELFI, qu'il fustige aujourd'hui. Le holding qui contrôlait Brandt est à l'origine de la fusion de cette société avec Moulinex. A l'époque, la fusion avait été présentée - déjà - comme un moyen de sauver Moulinex de la faillite et de préserver les emplois. Patrick Buy était alors nommé à la direction du groupe avec pour mission de faire le ménage et rendre le nouveau groupe encore plus rentable.
Moulinex est passé maître dans l'art de fabriquer des déficits pour réclamer des subventions. En 1996 Moulinex se proposait déjà de supprimer 2 600 emplois en trois ans, dont 2 100 en France. La mobilisation des salariés avait mis en échec le plan de licenciements du PDG, Pierre Blayau, qui aujourd'hui est recasé à la tête d'une autre société. L'Etat avait fini par voler au secours des actionnaires de Moulinex, injectant un milliard de francs d'aides, notamment par le biais de la loi de Robien sur la réduction du temps de travail. Le gouvernement organisa alors un sauvetage... des actionnaires de Moulinex, qui procéda à quelques licenciements, multiplia les mises en préretraite et le transfert de salariés entre usines. Par un tour de passe-passe, on parla alors de centaines d'emplois "sauvés" grâce à la loi de Robien ; ce qui permit aux actionnaires de bénéficier ainsi de l'exonération de charges sociales sur ces emplois pendant plusieurs années. L'affaire se solda par plus de flexibilité et la baisse des salaires.
Les actionnaires de Moulinex, qui savent pleurer misère quand il faut attirer l'attention des pouvoirs publics, n'ont cessé de s'enrichir durant la dernière décennie. Outre le cadeau fiscal lié à l'application de la loi de Robien (de loin le plus important), ils ont reçu 19 millions de subventions et 45 millions de francs d'aides dites remboursables, dont seuls 21 millions l'ont été. Fin décembre 2000, au moment de la fusion entre Brandt et Moulinex, ces mêmes actionnaires empochaient environ 800 millions de francs de dividendes, versés par le holding ELFI, provenant des caisses de Brandt. Tout le monde connaît la suite : quelques mois plus tard, le nouveau PDG, Pierre Puy, annonçait un "trou" de 130 millions d'euros, soit 853 millions de francs, et proposait une charrette de licenciements !
L'entreprise, malgré les dettes, a fait des bénéfices en 1998 et 1999, et le chiffre d'affaires a progressé de 7 % et atteint 17 milliards de francs en 2000 ! Lorsque l'Etat, véritable vache à lait des entreprises privées, ne verse plus de subventions, les actionnaires vont investir ailleurs, là où la main-d'oeuvre est bon marché, taillable et corvéable à merci, comme au Mexique où une ouvrière est payée 38 F par jour pour fabriquer des cafetières Moulinex qui sont ensuite revendues en France au prix fort.