Brésil : Quand il n'y a plus de travail, le chômage baisse14/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1730.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Quand il n'y a plus de travail, le chômage baisse

Dans la région du grand-Sao Paulo, 16 à 18 % de la population active sont au chômage : 1,6 million de personnes. Sur l'ensemble du pays, 6,2 %.

Mais bien que les trois quarts des patrons disent qu'ils vont licencier et que le PIB du premier trimestre soit en baisse de 1 % par rapport à 2000, le taux de chômage est présenté comme étant en diminution. C'est que, lors des sondages qui servent à établir les statistiques, on ne compte comme chômeur que le salarié sans travail qui a démarché des emplois au cours de la semaine précédente.

Lorsque les embauches ralentissent nettement, comme c'est le cas actuellement, les chômeurs ne se précipitent pas à la recherche d'emplois qui, de toute façon, n'existent pas. En conséquence, ils ne sont plus comptabilisés comme chômeurs, et le taux de chômage baisse !

Ex-URSS : réélection sans surprise de loukachenko en biélorussie

Alexandre Loukachenko a été réélu président de Biélorussie, avec dès le premier tour autour de 80 % des voix, comme lors de sa première élection, en 1994. Qu'il y ait eu entraves à la propagande de ses deux concurrents -quasi privés d'accès aux médias et dont les supporters ont souvent eu maille à partir avec la police durant la campagne-, c'est peu de le dire. Mais même sans cela, il l'aurait probablement emporté, ont laissé entendre des journaux qui, tel Libération, ne manquent pourtant pas une occasion de présenter Loukachenko comme un démagogue et son régime comme un "résidu d'Union soviétique (...) resté en marge des grands courants de libéralisation qui ont traversé l'Europe orientale" depuis la fin de l'URSS.

En effet, la Biélorussie (la troisième, après la Russie et l'Ukraine, des républiques slaves de l'ex- URSS) n'a pas suivi le chemin de la "libéralisation" dont Eltsine avait été l'un des principaux promoteurs. Au contraire. En 1994, c'est en accusant les réformes de marché d'être à l'origine de la corruption et de la désorganisation économique du pays, et en promettant de jeter les profiteurs en prison, d'augmenter les retraites, de remettre en marche les entreprises d'Etat et d'oeuvrer à construire un vaste ensemble étatique (évoquant bien sûr l'URSS à la population), que Loukachenko, alors député inconnu, avait été élu haut la main. Bien que, depuis, Loukachenko se soit déclaré partisan de ce qu'il appelle le socialisme de marché (à l'exemple de la Chine), autrement dit d'un retour au capitalisme contrôlé et dirigé par un Etat fort, la presse occidentale ne cesse de le dépeindre en partisan d'un rétablissement de l'URSS. Ce qu'il n'est certes pas, même si son régime a conservé des traits de l'époque brejnevienne.

Loukachenko a fait du russe (parlé par tous ou presque) la langue officielle, à côté du biélorusse parlé par une minorité seulement. Cela, avec un assentiment suffisamment large pour que, durant ces élections, même le principal candidat d'opposition ait choisi de s'exprimer en russe. Toujours au grand dam de gens qui prétendent encore que l'éclatement de l'URSS aurait été "voulu par ses peuples", Loukachenko, soutenu par une majorité de l'opinion publique, a aussi signé un traité d'union avec la Russie, même s'il reste essentiellement militaire et économique. Et il est un des plus chauds partisans d'une intégration poussée des ex-républiques soviétiques dans cette Confédération des Etats indépendants qui regroupe douze d'entre elles.

Un défenseur des intérêts bien compris de la bureaucratie biélorusse

Non pas que la bureaucratie biélorusse veuille plus que ses homologues de l'ex-URSS se soumettre à nouveau à l'ancien "centre" moscovite. Au contraire, sa russophilie affichée et sa dépendance énergétique vis-à-vis du puissant voisin russe n'empêchent pas Loukachenko de s'opposer, en tant que chef de file de la couche privilégiée locale, à ce que les grands groupes russes mettent la main sur les usines de ses bureaucrates. Mais l'économie de la Biélorussie avait été construite de toutes pièces dans le cadre de l'URSS et se trouvait tellement dépendre de ses autres composantes qu'on la qualifiait d'"atelier d'assemblage" de toute l'URSS. Elle n'aurait pu survivre hors de ce tissu serré d'interdépendance.

Et ces données de l'histoire ne laissaient guère le choix aux dirigeants de la Biélorussie. Ou bien ils laissaient faire la "libéralisation" et pouvaient, au mieux, espérer devenir un satellite de la Pologne voisine, déjà mal lotie, probablement sans même avoir accès aux maigres investissements occidentaux qu'elle reçoit. Ou bien ils conservaient ce qu'ils pouvaient de l'héritage soviétique : une économie étatisée à 90 %, une agriculture dominée par les sovkhozes et kolkhozes. Pour cela, il leur fallait maintenir un Etat capable d'empêcher la bureaucratie de dépecer l'économie (comme elle l'a fait en Russie), tout en lui offrant d'autres sources d'enrichissement. Par exemple, les fournitures d'armes à la Libye et à l'Irak, ou le fait que les industries de pointe (une spécialisation de la Biélorussie soviétique) continuent de fonctionner et d'avoir des débouchés, et d'abord chez ses partenaires de la zone ex-soviétique.

C'est cela, plus que des aspects dictatoriaux que le régime partage avec tant d'autres, qui lui vaut l'antipathie des chantres du "marché" en ex-URSS. Car, sur la base qu'il s'est choisie, le régime biélorusse s'en tire plutôt mieux que ses voisins bons élèves de l'Occident. Entre 1989 et 1999, du fait de la disparition de l'URSS, la production a chuté en Biélorussie. Mais de seulement 23 %, contre 45 % en Russie et 63 % en Ukraine, constatent les experts occidentaux. Cela, bien que les effets humainement, financièrement et économiquement dévastateurs de la catastrophe de Tchernobyl (75 % de ses retombées radioactives sont tombées en Biélorussie) aient plus affecté ce petit pays que la Russie et l'Ukraine, plus riches économiquement.

Un Etat fort dans une ex-URSS en ruines

Décrit comme "le dernier dictateur d'Europe" par Libération (il a, entre autres, dissous le Parlement, mais pas à coups de canon comme Eltsine l'a fait en 1993, ce pour quoi l'Occident a encensé ce dernier... comme "le père de la démocratie russe" !), Loukachenko tient en effet le pays dans une main de fer. Il réprime grèves et manifestations, muselle l'opposition, fait disparaître ses proches tentés de se dresser contre lui. Mais il a réussi à faire qu'en Biélorussie "les inégalités sociales sont beaucoup plus faibles que chez les voisins" ce qui, "combiné avec la sécurité de l'emploi", suffit "à conforter la popularité de Loukachenko", concède Libération.

De fait, à considérer le régime sévissant en Russie (pas plus démocratique, menant la guerre en Tchétchénie et affichant une injustice sociale criante), la population biélorusse pourrait presque s'estimer "favorisée". Quant à Poutine, même s'il a, en Loukachenko, un allié parfois encombrant sur le plan diplomatique (n'avait-il pas, un temps, prôné d'unir la Russie et la Biélorussie à la Serbie de Milosevic !), il peut envier ce partisan d'un prétendu "socialisme de marché" qui a sur lui l'avantage d'avoir su préserver un Etat fort et éviter ainsi que ses privilégiés ne précipitent le régime dans le chaos.

Autant de choses qui serviraient de bases à l'instauration de ce marché après lequel les dirigeants russes courent depuis une dizaine d'années...

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