Brésil : La méchante fée électricité14/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1730.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : La méchante fée électricité

Deux mois après la publication des mesures organisant le rationnement de l'électricité (chacun doit réduire de 20 % sa consommation), la population en mesure de mieux en mieux les conséquences. Un éclairage sur deux est coupé dans les rues et les transports publics. Le métro de Rio avait même annoncé qu'il fermerait le samedi et réduirait les rames à un seul wagon aux heures creuses, mais il y a renoncé. Les particuliers ont renoncé à utiliser le four à micro-ondes ou même pour certains la machine à laver le linge.

Les compagnies distributrices d'électricité annoncent chaque jour qu'elles vont effectuer des milliers de coupures, qui sont bien réelles pour les usagers, surtout quand ils règlent leur facture en retard. Même si certains Etats ou tribunaux déclarent ces coupures illégales. Les industries et les commerces, eux, en sont protégés. Pour eux, les infractions aux mesures d'économies ne se traduisent que par des hausses de prix - ce qui est de toute façon un des objectifs du plan gouvernemental.

Mais le plus révoltant, ce sont toutes les mesures antipopulaires que cela permettra de faire passer. Ainsi, le gouvernement a gelé les programmes sociaux qu'il avait pourtant qualifiés de "prioritaires", concernant l'assainissement, l'habitation, l'école, la réforme agraire. On a appris à cette occasion que la plupart de ces programmes avaient utilisé moins de 10 % de leur budget prévu au cours du premier semestre, et qu'ils étaient donc gelés de fait.

Les patrons de leur côté y ont trouvé une raison pour justifier à la fois les réductions d'effectifs, qui n'ont pas cessé depuis une dizaine d'années, et les augmentations de prix. Bien des produits de première nécessité ont en effet été "maquillés", la quantité à l'intérieur de l'emballage diminuant subrepticement, pour le même prix. Le rouleau de papier toilette est passé de 40 à 30 mètres ; les biscuits, biscottes, yaourts, poudres à laver, etc. ont perdu du poids.

Cette ambiance d'austérité sert aussi les petites et grandes combines du gouvernement. Ainsi, il refuse un réajustement de 75 % des salaires des fonctionnaires fédéraux, totalement bloqués depuis sept ans alors qu'en un an la monnaie a perdu 29 % de sa valeur. Les salariés des universités fédérales et ceux de la Sécurité sociale sont en grève sur cette revendication. Le président Cardoso a eu le culot de déclarer à la télévision qu'il leur donnait entièrement raison et leur proposait... 3,5 %.

Le gouvernement refuse un autre réajustement, celui des basses tranches d'impôts. Une commission de la Chambre des députés avait proposé de relever les planchers de 35 %. Le gouvernement refuse, sous prétexte que cela ferait baisser les rentrées fiscales.

En contraste avec ces mesures d'austérité qui pénalisent les couches populaires, l'actualité continue à étaler les scandales politico-financiers de toute sorte. Le cacique qui depuis des dizaines d'années contrôle l'Etat de Bahia a démissionné du Sénat, pour ne pas en être expulsé : il violait le secret du vote des sénateurs - mais il est aussi un des champions de la corruption. Le président du même Sénat vient de démissionner, convaincu de détournements de fonds. Le gouverneur de l'Espirito Santo est menacé d'être cassé, pour détournements de fonds lui aussi. Quant à l'ancien maire de Sao Paulo, Maluf, les milliards qu'il avait planqués en Suisse, provenant de surfacturations et autres irrégularités, viennent d'être retrouvés à Jersey, autre paradis fiscal.

Ces scandales viennent au jour à l'occasion des luttes entre politiciens, bien souvent en vue de l'élection présidentielle de l'an prochain. Ils ne choquent même plus le petit peuple. Pour lui, politicien égale voleur.

Mais ce qui l'a heurté, c'est la pénurie d'électricité. A Curitiba dans l'Etat de Parana, la population s'est mobilisée pour empêcher la vente d'une société publique productrice d'électricité. Une partie des politiciens locaux a dû réagir à cette pression de la rue. Cela montre qu'il est possible d'agir, et pas seulement de "bien voter" tous les quatre ans.

Partager