Brésil : Aux origines de la pénurie14/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1730.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Aux origines de la pénurie

La raison officielle donnée pour la pénurie et le rationnement de l'électricité est que les réserves d'eau dans les barrages sont au plus bas, à la suite d'années de sécheresse. C'est un mensonge, qui ne sert qu'à camoufler l'incurie des dirigeants du pays et la rapacité des capitalistes.

Les ressources hydroélectriques du Brésil, qui fournissent 90 % de l'énergie électrique du pays, sont immenses. Le système de production et de distribution a été organisé au milieu des années cinquante, à la suite d'une sécheresse de six années consécutives qui avait imposé un gros rationnement. Les compagnies productrices de l'époque, qui étaient privées, se souciaient davantage d'augmenter les tarifs que la production.

Depuis près de 50 ans donc, le système, reposant sur des usines d'Etat et la production régulée par la société publique Electrobras, donnait toute satisfaction. Son principe consistait à avoir en réserve l'eau de cinq années de production, et de mettre en chantier une nouvelle usine dès que le risque de déficit futur atteignait 5 %. Les réseaux des différentes régions, où le régime des pluies est bien différent, étaient reliés entre eux. Le potentiel productif, aujourd'hui encore, permettrait de doubler la production. Des usines thermiques formaient une ultime réserve.

Quand vinrent les privatisations, en 1995, le contrôle du système resta centralisé, mais aux mains du privé, tout comme la distribution et une partie de la production. Mais la soif de profits des actionnaires fit arrêter les investissements et augmenter les tarifs. La société Light qui fournit Rio, filiale d'EDF, achète 23 dollars le courant qu'elle revend 120 au consommateur. La Light ne fait pas d'investissements mais distribue 98 % de ses bénéfices en dividendes.

De même, les usines depuis longtemps amorties qui ont été vendues, en général à des groupes étrangers, ont été exploitées sans souci des réserves, pour en tirer le maximum de profit immédiat. Et les fonds du BNDES, la banque d'Etat pour le développement, servent à aider les "investisseurs" privés qui achètent les centrales. Le gouvernement a interdit à cet organisme de financer les constructions de centrales d'Etat.

Cette exploitation des réserves d'eau a été dénoncée dès 1998 par les techniciens d'Electrobras, qui prévoyaient un risque de déficit en 2000. Il était alors encore temps d'arrêter les privatisations, de reprendre les constructions de centrales publiques. Au lieu de cela, on continua à tirer sur les réserves d'eau, pour satisfaire le marché et les actionnaires. En août 1999 le risque de pénurie d'électricité dépassa 30 %, en décembre il atteignait 50 %.

Par chance, janvier et février 2000 connurent des pluies exceptionnelles. Les réserves dans les barrages remontèrent de 18 à 29 %. Au lieu d'économiser, le gouvernement lança des programmes d'illuminations ! Mais la sécheresse arriva au début de 2001. Les barrages travaillent aujourd'hui avec les pluies de l'année. Les irresponsables qui ont provoqué la catastrophe se mettent à accuser le ciel ou leurs prédécesseurs au pouvoir.

En novembre prochain, les révervoirs devraient être à 10 % de leurs réserves. Si les turbines ralentissent, faute de pression, les protections automatiques couperont le courant et cela peut être la panne à l'échelle du pays, sous un président qui s'était bâti une réputation d'économiste compétent et que les journaux qualifient maintenant de "prince des ténèbres".

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