Dans les hôpitaux publics : Les tours de passe-passe de Guigou07/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1729.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Dans les hôpitaux publics : Les tours de passe-passe de Guigou

« 40 000 emplois pour les hôpitaux », « un effort considérable dont seule bénéficiera la fonction publique hospitalière » : voilà comment le gouvernement a présenté ses objectifs en ce qui concerne le passage aux 35 heures dans les hôpitaux publics.

Environ 760 000 personnes travaillent dans les établissements publics de santé. Le passage aux 35 heures représente une réduction du temps de travail de 10 % : cela représenterait donc un minimum de 80 000 emplois à créer.

Et si le passage aux 35 heures a lieu effectivement au 1er janvier 2002, c'est dès cette année qu'il faudrait commencer à recruter. Guigou, interrogée sur FR3, a d'emblée écarté cette hypothèse puisque ces 40 000 emplois annoncés, le gouvernement veut les recruter sur trois ans. Et les autorisations de budget pour le recrutement en 2002 ne pourront être effectives que début janvier, période habituelle où les établissements connaissent le montant de l'enveloppe que l'assurance maladie leur accorde pour l'année.

Comment cela se passera-t-il alors ? Guigou affirme que ces heures supplémentaires seront mises sur un « compte épargne temps » et que l'on pourra les prendre... plus tard. Bref, en janvier 2002, nous serons en 35 heures mais nous travaillerons 39 heures et nous n'aurons pas un sou de plus sur la feuille de paye (en euros, bien sûr !).

40 000 emplois d'ici trois ans (peut-être...), cela ne fait pas le compte. Dans bien des services, les effectifs actuels sont insuffisants. Bien souvent, poser des jours de récupération qui nous sont dus est un problème. Des agents qui ont des dizaines de jours en souffrance, c'est fréquent. Alors si on passe aux 35 heures avec des embauches insuffisantes, cela ne fera qu'augmenter le nombre de jours à récupérer, mais cela ne représentera pas une diminution de la charge de travail.

Guigou prétend que ces recrutements se feront sur trois ans, car il est difficile de recruter du jour au lendemain, en particulier, c'est à la mode, à cause de la « pénurie d'infirmières ». Pourtant, ces 35 heures, cela fait plusieurs années que le gouvernement en parle et rien ne lui interdisait de commencer à recruter dès 1998 !

De plus, il n y a pas que des infirmières dans les hôpitaux et pour toutes les autres catégories de personnel, les recrutements pourraient se faire immédiatement, ne serait-ce que pour permettre par exemple aux aides-soignantes qui le désirent de suivre la formation d'infirmière. Or, aujourd hui, pour toutes ces catégories, c'est la pénurie de... budget.

Enfin, dans les années à venir, près de 40 % du personnel va partir en retraite (d'ici à 2 010). Dès aujourd hui, se pose le problème de leur remplacement. Le gouvernement n'en parle pas, mais s'il crée 40 000 emplois (ce qui est insuffisant) pour le passage aux 35 heures, mais ne remplace pas les départs en retraite, ce serait une véritable arnaque.

Mais, depuis le début, dans les projets gouvernementaux de passage aux 35 heures dans la fonction publique hospitalière, il était principalement question de flexibilité et de polyvalence, comme dans la loi Aubry pour le privé. L'embauche n'était évoquée que comme une éventualité de dernier recours, une fois que tous les efforts d'« aménagement du temps de travail » auraient été faits. Dans le même esprit, Kouchner vient de préciser que les négociations actuelles doivent « porter non pas seulement sur le nombre (de créations d'emplois) mais sur la manière d'organiser l'hôpital de demain, l'hôpital du XXIe siècle », ajoutant : « C'est une chance comme jamais nous n'en avons rencontré ». Une chance pour eux de nous mettre au pied du mur, de nous obliger à nous débrouiller pour passer aux 35 heures avec les sous-effectifs actuels en acceptant des conditions de travail plus difficiles, avec augmentation de la charge de travail et horaires irréguliers.

D'ores et déjà, les syndicats ont annoncé une journée de grève pour le 20 septembre : ces créations d'emplois a minima, cela ne fait effectivement pas le compte.

Les premiers commentaires du personnel

L'annonce des 40 000 embauches, passée la première surprise, ne suscite pas d'enthousiasme. C'est au contraire le scepticisme qui s'exprime. « C'est un effet d'annonce, rien de plus », disent des infirmières de l'hôpital Beaujon à Clichy en banlieue parisienne. « L'Assistance publique dit déjà aujourd'hui qu'elle ne trouve personne, où va-t-elle trouver des gens à embaucher demain ? ». Certaines font aussi remarquer qu'il faut quatre ans pour former des infirmières et que donc les problèmes actuels ne sont pas près d'être résolus. Les plus incrédules disent : « De tout façon, personne ne veut plus travailler à l'hôpital. Tout le monde sait que c'est trop dur ».

Mais on en revient aussi au fait que de nombreuses écoles d'infirmières ont été fermées et qu'il est un peu tard pour s'étonner qu'il en manque. Par exemple, il y a deux ans, il y avait 1 200 candidats pour 750 places seulement en institut de formation de soins infirmiers de l'AP.

Des aides-soigantes de l'hôpital Robert-Debré à Paris disent qu'elles voudraient bien devenir infirmières et que si le gouvernement le voulait vraiment il y aurait des infirmières. Le « comité de pilotage », structure paritaire créée à l'échelle de l'hôpital pour préparer les 35 heures, a fait distribuer par les surveillantes un questionnaire sur la récupération de la réduction de temps de travail. L'avis général est qu'il faudrait récupérer une journée sur la semaine de sept jours.

A l'hôpital Saint-Antoine, des ouvriers remarquent qu'on ne parle pas de leur catégorie dans les prévisions d'embauche. Les soignants se disent aussi que sur trois ans, « ça va être la galère ». Comment sera-t-il possible de récupérer les heures dues alors qu'actuellement c'est déjà difficile de le faire ? Certains s'inquiètent du fait que, parallèlement aux 35 heures, de nombreux départs en retraite ne sont pas remplacés. Les solutions comme faire revenir des retraitées ou embaucher des infirmières d'autres pays européens apparaissent dérisoires, même si elles font un peu discuter.

Les arguments des syndicats selon lesquels le chiffre d'embauche, au titre des 35 heures devrait être de 80 000 n'est guère repris dans les discussions pour le moment. Mais le mécontentement est réel car les conditions de travail cet été ont été très pénibles. Aussi l'idée de grève circule un peu. La journée du 20 septembre est connue et fournira peut-être un premier moyen d'exprimer cette colère. Il faut tout faire dans ce sens !

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