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Mort de l'écrivain Jorge Amado, peintre de la société brésilienne
Jorge Amado est mort, lundi 6 août, au terme d'une carrière de romancier de près de soixante-dix ans.
Il était né en 1912 au Brésil, près d'Ilheus, centre de la zone du cacao, dans l'Etat de Bahia, au nord-est du pays. Après Le pays du carnaval écrit en 1931, il consacra une série de romans à la culture et à l'exploitation du cacao (Cacao, Terre violente, La terre aux fruits d'or), au petit peuple de Bahia (Suor, Bahia de tous les saints, Mar morto, Capitaines des sables) et aux terribles sécheresses qui ravagent périodiquement la région du Nordeste du Brésil (Les chemins de la faim).
Au début des années trente, Amado se rapprocha du Parti Communiste Brésilien, à l'initiative d'un mouvement anti-impérialiste, qui se manifesta en 1935 par un soulèvement armé qui fut écrasé. Le Parti Communiste s'orienta vers une politique de Front populaire, d'alliance électorale contre "les capitalistes antinationaux", comme Amado les appelle dans son roman La terre aux fruits d'or, politique qu'il approuva. Mais, dans ce pays exploité par l'impérialisme, ce fut en fait une dictature policière qui s'installa et Amado connut la prison et l'exil.
Il en revint pour appuyer la politique pro-Alliés de Staline. Après la Seconde Guerre mondiale, durant la brève période de légalité du PC (interdit en 1947), il fut député communiste. Puis ce fut à nouveau l'exil, en France, en Union soviétique (où il reçut le prix Staline en 1951) et en Tchécoslovaquie, exil adouci par le succès mondial de ses livres, édités et promus en particulier par tous les partis staliniens.
Un certain nombre de romans d'inspiration stalinienne (parfois crapuleusement antitrotskystes) reflètent les engagements d'Amado durant cette époque : Le chevalier de l'espérance, l'ABC de Castro Alves et les volumes des Souterrains de la liberté.
Deux ans après la mort de Staline, en 1955, Amado rompit avec le PC, rentra au Brésil, devint un personnage quasi officiel, membre de l'Académie des lettres en 1961 et, malgré son passé, épargné par la dictature militaire, au pouvoir à partir de 1964. Sa production romanesque, extrêmement abondante (Tereza Batista, Tieta d'Agreste, La bataille du Petit Trianon, Gabriela girofle et cannelle, etc.), se fit alors moins sociale, privilégiant le pittoresque, avec des personnages marginaux et truculents, et le folklore religieux du vaudou brésilien.
Depuis la fin de la dictature militaire en 1985, Amado était devenu l'écrivain officiel, fréquentant les palais présidentiels et gouvernementaux, ambassadeur culturel du régime à l'étranger, s'affichant avec Mitterrand et Jack Lang. De sa période stalinienne, il avait gardé une attitude faite à la fois de mépris amusé et de méfiance politique vis-à-vis de la population. Sa vision de la politique, du militantisme et même de la société, porte la marque profonde de ce passé, de ses schématismes, de son "réalisme socialiste" et de ses mensonges. Un stalinisme avoué, revendiqué, qui a conduit Amado, dans son livre Les souterrains de la liberté, à se faire l'apologiste servile du Parti Communiste Brésilien de 1937, colporteur des pires calomnies contre les trotskystes. C'est sans problème qu'il a, couvert d'honneurs, intégré la bonne société brésilienne, au point que dans l'un de ses ouvrages récents, Tocaia grande, il présente les gros planteurs de cacao comme des éléments de progrès, oubliant le sang et la sueur des travailleurs qui firent leurs fortunes.
De son oeuvre, il faut donc surtout retenir les romans qu'il écrivit avant 1946, alors qu'il s'attachait à décrire la vie des travailleurs des plantations ou des grandes villes, dénonçant les injustices et la misère.