Le droit d'asile des réfugiés de plus en plus restreint10/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1726.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le droit d'asile des réfugiés de plus en plus restreint

On pourrait croire qu'il s'est agi, à Lille, du dérapage d'une préfecture sous les ordres d'un haut fonctionnaire trop zélé. Il n'en est rien. Loin d'être l'exception, cette attitude est plus fréquente et tend à devenir la règle dans bien des préfectures du pays. Consignes et ordres viennent d'en haut. En France, la restriction du droit d'asile est une réalité depuis plusieurs années. C'est une politique voulue par le gouvernement Jospin.

Certes les pratiques sont différentes d'un département à l'autre. Certaines préfectures appliquent la réglementation avec "tolérance", d'autres avec rigueur comme en Seine-Saint-Denis, par exemple. Dans ce département de la banlieue parisienne, la préfecture met systématiquement des bâtons dans les roues à tout candidat au droit d'asile, jouant de l'arbitraire administratif, demandant de plus en plus de papiers, même non officiels.

Ailleurs, les délais d'attente s'allongent considérablement, de six mois en règle générale à neuf mois à Marseille, voire dix-huit mois selon certaines associations non gouvernementales, et ce sans que le réfugié ne reçoive ni statut légal ni aide matérielle de la part des pouvoirs publics.

Une circulaire ministérielle de septembre 1991 a modifié la réglementation et a supprimé l'autorisation de travail liée au permis de séjour des demandeurs d'asile. Cela pousse les réfugiés "vers les filières de travail clandestin et la prostitution", affirme le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'ONU qui, en mars dernier, a critiqué, dans un rapport, la politique d'asile de la France, relevant le "manque de garanties légales offertes aux demandeurs d'asile", dénonçant "les difficultés et les refus d'enregistrement de plus en plus fréquemment constatés", notamment aux aéroports par la police des frontières. Ainsi, aux aéroports, pas de formulaire pour les réfugiés, pas d'information sur leurs droits, pas ou peu d'aides linguistiques, pas d'aides juridiques pour les chanceux admis en zone d'attente, tandis que les autres sont laissés en zone internationale, en vue d'être réexpédiés vers leur pays d'origine.

L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) ne compte plus les milliers de dossiers en attente sans que rien ne soit fait pour résorber ce retard, tandis que le droit d'asile est accordé au compte-gouttes, voire à la tête du client. A tel point que la Commission de recours des réfugiés (CRR) a annulé près de 10 % des décisions de l'Office accordant le statut de réfugié à 1 800 personnes dont la demande avait été déboutée par l'Ofpra.

Tout en prétendant "aider" les réfugiés, le gouvernement refuse de mettre en place une véritable politique d'accueil digne de ce nom. Face au nombre croissant des demandeurs d'asile, qui a été multiplié par deux ces dernières années (20 000 en 1997, 40 000 en 2000), il n'existe en France que 6 300 lits pour les héberger, tandis que selon le plan de construction du ministère de l'Emploi et de la Solidarité... 500 lits supplémentaires sont prévus d'ici la fin de l'année. L'Etat a pris langue avec la Sonacotra pour 1 000 places d'accueil de plus. Mais des places inadaptées selon les associations, qui soupçonnent l'Etat d'avoir voulu faire des économies.

En refusant d'améliorer les conditions d'accueil des réfugiés, d'assouplir la législation existante sous prétexte de ne pas créer un "appel d'air", selon les propres termes du gouvernement Jospin (à savoir "ouvrir" la porte aux réfugiés du monde entier), et surtout en leur fermant les portes, celui-ci condamne, en attendant, des milliers d'hommes et de femmes, des familles entières avec leurs enfants, à se débrouiller par leurs propres moyens pour se nourrir, se vêtir, se loger. Ces milliers de réfugiés qui avaient pensé trouver en France un havre de paix ou une terre d'accueil doivent déchanter et viennent ainsi grossir les rangs des sans-domicile-fixe.

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