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- Lutte ouvrière n°1726
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Leur société
Derrière la place faite aux handicapés par Air France ou la SNCF : Une société dure aux handicapés
Il est justifié que les compagnies aériennes soient astreintes à des règles de sécurité rigoureuses que certaines tournent d'ailleurs plus ou moins. Et il est scandaleux que les grandes compagnies utilisent ce fait pour chercher à réduire ces normes de sécurité en s'alignant, sans le dire, sur celles, minimales, qu'il s'agirait d'imposer aux plus petites compagnies qui, en ne les respectant pas, fausseraient la concurrence. Encore une fois, des questions de rentabilité, bien mal camouflées derrière des considérations de normes à respecter, sont prétextes, avec l'appui des autorités nationales, européennes ou internationales du transport aérien, pour aligner non pas vers le haut mais vers le bas ces normes de sécurité (par exemple, en termes de nombre de personnel en cabine et de formation de ce dernier).
Un couple d'aveugles, accompagné de leur fillette de trois ans, s'est vu refuser dernièrement la vente de billets d'avion par Air France pour "des raisons de sécurité". Selon la réglementation, il fallait que l'enfant soit accompagnée d'un adulte valide payant avec un billet demi-tarif.
Ce n'est pourtant pas la première fois que cette famille prenait un avion sur cette compagnie. Mais celle-ci justifie son refus par la mise en place d'un nouveau système dit Saphir, qui signifie (sans rire) "service d'assistance aux personnes handicapées, informations et réservations".
Dans le cas de cette famille, derrière la question de sécurité invoquée vis-à-vis du grand public, ce qui n'apparaît que trop, c'est l'esprit qui préside aux décisions prises et à la façon de les appliquer. Car l'attitude d'Air France traduit avant tout un souci de rentabilité affiché à longueur de journée vis-à-vis de son personnel et ses actionnaires comme dans ses publications internes.
Air France n'est pas la seule à agir de la sorte. La SNCF se targue, elle, d'être moins tatillonne dans l'accueil des handicapés, puisqu'elle garantit la gratuité de l'accompagnant. Sauf que les places prévues à cet effet sont réduites à leur plus simple expression dans les TGV : il leur est réservé une place seulement par rame!
On est là très loin des services que devraient rendre les transports, dits pourtant publics, dont la fonction devrait être de transporter correctement les usagers, au-delà du coût social de l'opération.
Des services réellement publics devraient faire preuve d'une sollicitude particulièrement attentive à tous ceux que des situations données handicapent. Mais tel n'est pas le cas. Au contraire, les directions des services publics, et derrière elles les autorités gouvernementales de tutelle, poussent toujours plus dans le sens de la rentabilisation, du profit, exactement comme le font les entreprises privées.
Le sort réservé par Air France à cette famille - ou le litige, il y a un an, l'opposant à un client à qui elle voulait faire payer place double étant donné son poids - est bien à l'image d'entreprises guidées par la seule préocupation du profit et plus largement d'une société où il ne fait pas bon avoir un handicap quelconque.
Les grandes intentions, que des gouvernants affichent à ce sujet de façon aussi rituelle qu'hypocrite, restent le plus souvent lettre morte. Ce n'est pas seulement dans les transports, mais tous les jours, dans tous les domaines de la vie sociale que cela se manifeste : enseignement, logement, urbanisme, vie courante, accès aux services publics, etc.
Car cette société, dominée par le profit et conçue pour en rapporter, n'est pas au service de la population dans toute sa diversité humaine. Elle a beau encenser l'individualisme (en fait, l'égoïsme des possédants), elle n'est pas au service des individus, et surtout pas de ceux qui, à un titre ou à un autre, se trouvent en position de faiblesse face à elle, et auxquels elle le fait sentir encore plus durement qu'aux autres. Alors, il n'est pas étonnant qu'elle se soucie comme d'un guigne des difficultés des handicapés. Ou, quand elle fait mine de s'y intéresser, qu'elle le leur fasse doublement payer, comme le rappellent ces tristes exemples.