Belgique - Une justice "universelle" : Même symbolique, elle gêne10/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1726.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique - Une justice "universelle" : Même symbolique, elle gêne

Une "loi relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire" a été adoptée en Belgique en début 1998. Un sénateur libéral en est le principal auteur et elle a été adoptée à l'unanimité par le Sénat et sans débat par la Chambre.

Cette loi prévoit la "compétence universelle" des juges belges, ce qui signifie qu'une plainte est recevable par un juge à Bruxelles, quel que soit le lieu du crime, quelle que soit la nationalité de son auteur et quelle que soit la nationalité de la victime. Cette loi ne permet pas d'invoquer, pour s'y soustraire, la "nécessité militaire" et aucune immunité n'est attachée à la qualité officielle d'une personne, notamment celle des chefs d'Etat.

C'est cette loi qui a permis de condamner quatre génocidaires rwandais et, à cette occasion, de remettre ce génocide sur le devant de l'actualité. A cette réserve que les condamnés n'en étaient pas les principaux responsables et que cela concernait le Rwanda, une ex-colonie, un petit Etat africain sans poids international. Quant aux principaux responsables, les dirigeants des Etats belge et français, ils n'ont pas été mis en cause.

Une plainte devant la justice belge a été déposée contre le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, par vingt-trois survivants des massacres commis contre des centaines de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila, en septembre 1982 au Liban. Ariel Sharon, commandant alors en chef de l'armée israélienne qui venait d'envahir le Liban et protégeait les milices de l'extrême droite chrétienne libanaise qui ont commis ces massacres, en a été directement responsable. Et il ne s'en cache pas.

Et là, c'est une tout autre affaire ! Israël n'est pas une ancienne colonie belge ! Certes, la plainte a été déclarée recevable par les juges, l'instruction est donc entamée. Et même si l'on a peu de chances de voir un jour Ariel Sharon finir ses jours en prison, comme ses exactions à la tête de l'armée israélienne contre le peuple palestinien le justifieraient, un juge pourrait avoir la bonne idée de le faire arrêter lors d'une visite en Belgique, ne serait-ce que pour lui poser quelques questions, comme c'est arrivé au PDG français du groupe Schneider, Didier Pineau-Valencienne, gardé douze jours en détention préventive à Bruxelles en 1994 ! Cela ne changerait rien au cours de l'histoire, mais cela aurait au moins une valeur symbolique.

Israël a répliqué par toute une campagne de presse contre le pouvoir belge et se préparerait à attaquer Yasser Arafat devant la même juridiction. Un député du Likoud (le parti de Sharon) déclare vouloir mettre en cause la royauté belge pour "avoir fait déporter 8 000 Juifs belges vers les chambres à gaz durant la Deuxième Guerre mondiale".

D'autres plaintes contre des chefs d'Etat sont par ailleurs déclarées recevables, contre Saddam Hussein et le président ivoirien Gbagbo.

Si tous les dictateurs de la planète se retrouvaient publiquement mis en accusation et les généraux galonnés jugés pour leurs massacres, les juges belges seraient débordés... Ils ne pourraient même plus instruire toutes ces affaires avec le sérieux qui sied... C'est d'ailleurs un des arguments qu'avancent sans rire certains commentateurs qui proposent, avec une bonne partie des ministres belges, de réviser cette loi pour en restreindre le champ d'intervention.

Histoire d'assurer un peu plus la tranquillité des responsables du terrorisme d'Etat, passés ou à venir.

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