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Macédoine : L'engrenage de la guerre ?
En s'emparant facilement dans la nuit 'du 24 au 25 juillet de Tetovo, une ville de plus de 100 000 habitants située au nord-ouest de la Macédoine, dans une région à majorité albanophone, avant de s'en retirer au terme d'un accord avec les représentants de l'OTAN, les rebelles de l'UCK de Macédoine ont non seulement fait la démonstration de leurs capacités sur le plan militaire, mais également sur le plan politique.
En quelques mois, depuis qu'elle a commencé à se manifester, venant du Kosovo voisin, à la mi-février 2001, la petite armée de libération nationale albanaise aura su trouver un écho au sein de la population albanophone de Macédoine, et s'imposer en tant qu'interlocuteur de fait des Occidentaux, même si le gouvernement macédonien ne veut pas entendre parler de négociations avec ceux qu'il considère comme des " terroristes ".
Cela étant, cet événement confirme surtout que la Macédoine, dernière des républiques nées du démembrement de l'ex- Yougoslavie, est à son tour sur le point de s'enfoncer dans une guerre civile qu'alimentent des problèmes nationaux non résolus. La désintégration de l'ex-Yougoslavie n'est pas encore terminée.
Si la Macédoine est officiellement multiethnique, la fraction albanophone, qui représente entre 25 et 35 % de la population totale, a de bonnes raisons de s'estimer victime de discrimination, voire d'oppression. Et la violence déployée par les forces gouvernementales, composées presqu'exclusivement de Slaves macédoniens, notamment lors de bombardements aveugles sous couvert de lutte contre la guérilla de l'UCK, n'a fait qu'amplifier le sentiment d'insécurité des Albano-macédoniens.
Dès lors, en se présentant comme les protecteurs des Albanais de Macédoine, les nationalistes de l'UCK ont rencontré une certaine sympathie au sein de la population, et même recruté de nouveaux combattants. Au point de pouvoir aujourd'hui prendre en quelques heures le contrôle d'une ville importante comme Tetovo ou de s'infiltrer jusque dans la banlieue de Skopje, la capitale, comme ils l'ont fait en juin dernier.
Mais parallèlement à cette montée en puissance du nationalisme albanais, on assiste également au développement du nationalisme chez les Slaves de Macédoine qui, à mesure que la rébellion se renforce, se sentent menacés. D'autant que dans les villages qu'ils contrôlent, les partisans de l'UCK sèment la terreur et poussent les non-Albanais à l'exode.
Tous les éléments sont donc réunis pour qu'après la Bosnie et le Kosovo, la Macédoine bascule à son tour dans les horreurs d'une guerre à caractère ethnique.
Face à cette situation, les dirigeants occidentaux, qui ont jusque-là eu pour position officielle de défendre la stabilité du gouvernement macédonien, font mine de chercher une solution politique. Représentés pour les Européens par François Léotard, ils prétendent patronner des pourparlers de paix, réunissant les quatre grands partis politiques en présence du président, Boris Trajkovski. Leur position est évidemment d'autant plus embarrassée qu'à travers l'OTAN, ils étaient intervenus militairement au Kosovo en défense de la population albanophone contre la Serbie de Milosevic, et qu'ils avaient même largement patronné l'UCK kosovare...
Aujourd'hui, les nationalistes slavo-macédoniens s'alimentent au ressentiment contre la " trahison " des dirigeants occidentaux, ils manifestent et s'attaquent à leurs ambassades, en les accusant de complicité avec l'UCK de Macédoine, ses supposés projets de " Grande Albanie ", etc.
En fait, les grandes puissances impérialistes ne font qu'alimenter les nationalismes de tous bords. Elles sont bien loin d'être en mesure d'impulser quelque règlement durable que ce soit de la crise et du démembrement de l'ex-Yougoslavie.
Tout ce que les dirigeants impérialistes envisagent, au mieux sans doute, pour éviter l'implosion dans le sang de la Macédoine à son tour, ce serait un accord bricolé entre les parties macédoniennes antagonistes qui leur permettrait d'instaurer un contrôle militaire par les forces de l'OTAN sur la Macédoine, comme c'est déjà le cas au Kosovo (et en Bosnie).
Mais même cela n'est pas acquis. Ne serait-ce que parce les négociations actuelles n'incluent pas la force combattante de l'UCK. Il suffisait d'écouter les propos embarrassés de Léotard, interrogé lundi 30 juillet sur France-Inter, pour comprendre que ses mandants ne croient guère eux-mêmes à ces " négociations de la dernière chance ".
Le fossé que les grandes puissances ont contribué à creuser entre les deux composantes de la population macédonienne risque de plus en plus de dégénérer en une guerre civile totale, dont les peuples, une fois encore, paieront le prix fort.