Argentine : La crise s'approfondit20/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1723.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : La crise s'approfondit

La crise financière, qui menace depuis plusieurs semaines l'économie argentine, vient de franchir un nouveau cap. Les instances du Fonds Monétaire International (FMI) craignent que l'économie argentine, si elle venait à chuter, puisse entraîner avec elle l'économie du Brésil et d'autres économies de niveau équivalent. Pour tenter de juguler cette menace, le gouvernement du président radical De la Rua a annoncé, mercredi 11 juillet, un plan d'austérité. Le remède de cheval envisagé ne permettra peut-être pas d'enrayer la crise, mais il va à coup sûr aggraver les conditions d'existence d'une population déjà fortement éprouvée.

Pour tenter d'empêcher le krach financier de l'Argentine, le ministre de l'Économie Domingo Cavallo vient d'annoncer une série de mesures drastiques destinées à réduire les dépenses publiques.

C'est une fois de plus aux plus pauvres qu'on s'apprête à faire payer la note de l'austérité. Les premiers touchés par le plan d'austérité dont De la Rua dit qu'il " n'est pas négociable " sont les employés de l'Etat puisque les mesures envisagées sont principalement une réduction de leurs salaires de 8 à 10 %. De même, le montant des pensions devrait être rogné. Et cela frapperait tous ceux qui touchent plus de 300 pesos par mois, c'est-à-dire l'équivalent de 2 250 francs, ce qui est déjà insuffisant pour vivre. Et il faut savoir que dans un pays comme l'Argentine où les partis politiques pratiquent largement un clientélisme vis-à-vis des électeurs, ces emplois d'État ont souvent été un moyen d'offrir un moyen de survivre à bien des travailleurs qui sans cela seraient des chômeurs, ce qui en Argentine est synonyme de misère.

De la Rua a beau plaider la nécessité des mesures prises par son ministre de l'Économie, prétendre qu'il n'y aura aucun licenciement et que les coupes budgétaires épargneront les plans d'aide sociale destinés aux plus démunis, il ne convainc pas les classes pauvres. Tout le monde voit bien qu'il s'attaque à 2,5 millions de retraités qui touchent déjà des pensions de misère.

Le gouvernement argentin prétend s'attaquer à l'évasion fiscale, qui prive l'Etat argentin de 30 milliards de dollars de recettes par an, mais cela c'est plus facile à dire qu'à faire. Jusqu'à présent aucun gouvernement argentin n'y a réussi. Cavallo veut aussi imposer que tous les salaires et pensions soient versés par l'intermédiaire de banques pour assurer une plus grande transparence vis-à-vis de l'impôt. Enfin, les transactions financières de vraient con naître une taxation alourdie.

Il n'est pas difficile de comprendre que ceux sur qui reposera tout l'effort de l'éventuelle assainissement de l'économie argentine vont donc être les plus pauvres, les employés d'Etat et les retraités. Et cela dans un pays où, quand cela va " bien ", il est monnaie courante de payer avec retard les salaires et les pensions. Et, encore une fois, rien n'indique que ces nouveaux sacrifices demandés à la population lui rapporteront quelque chose. Car l'objectif des appels de De la Rua à serrer les rangs et à sauver le pays sont d'abord destinés à sauver les intérêts des possédants et des établissements financiers qui ont prospéré sur les privatisations des entreprises publiques au fil de ces dernières années.

La surévaluation de fait du peso, à laquelle se cramponnent De la Rua et Cavallo, pour préserver les intérêts des riches, a pour conséquence de ralentir les exportations argentines. Et le prix de ce ralentissement, c'est également aux travailleurs argentins qu'on le fait payer. Ainsi, les usines Renault de Santa Isabel viennent de mettre en chômage technique pour un mois 1 300 salariés.

Dans ses appels à l'opposition péroniste à se solidariser avec son gouvernement, le président De la Rua se heurte à une difficulté. A trois mois des élections législatives, les gouverneurs des provinces, qui appartiennent souvent à l'opposition péroniste, ne sont pas disposés à répercuter les sacrifices demandés par le gouvernement central pour en faire ensuite les frais sur le plan électoral. D'autant que ces nouveaux sacrifices sont exigés au moment où toute une partie de la population pauvre, les chômeurs, les travailleurs mal payés, a surtout soif de travail et de plus de justice sociale. Il serait à coup sûr plus juste que ce soient ceux qui se sont enrichis par leurs spéculations, leurs " bonnes affaires ", c'est-à-dire les possédants et leur entourage, ainsi que les banquiers vautours de l'économie mondiale, qui rendent ce qu'ils ont détourné. Il est tout de même significatif qu'en réponse à l'appel de De la Rua à l'union nationale, une partie des chefs d'entreprises et des établissements bancaires annoncent le débloquage de l'équivalent de 7,5 milliards de francs pour alimenter un fonds de secours destinés aux chômeurs. Ils prouvent ainsi que de l'argent, il n'en manque pas. Ce qui est absent c'est la volonté politique d'imposer aux possédants qu'ils payent la crise.

Les deux CGT et le CTA, les trois centrales syndicales argentines, qui constituent historiquement la base sociale du péronisme, même si le péronisme ne séduit plus autant aujourd'hui, disent vouloir " résister " aux mesures d'austérité. Elles appellent à une journée de protestation, jeudi 19 juillet. Il faut souhaiter que cette journée soit un succès et qu'elle aide les travailleurs, les retraités, les chômeurs, les pauvres, à mesurer qu'ils représentent une force et qu'il n'y a pas de fatalité à ce qu'ils fassent les frais d'un système capitaliste en folie.

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