Les communes prisonnières des trusts de l'eau06/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1721.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Les communes prisonnières des trusts de l'eau

L'eau est de 13 % à 22 % plus chère dans les communes qui l'ont déléguée à une société privée. Pourtant le système de la "délégation" ne cesse de s'amplifier au détriment des "régies municipales". En dix ans, son emprise est passée de moins de 60 % à 80 %. C'est ce que révèle un récent rapport de l'Assemblée nationale sur le prix de l'eau, qui met en évidence les difficultés des municipalités à échapper à l'emprise des trusts de ce secteur.

51 % des délégations reviennent à Vivendi, 24 % au groupe Suez (ex-Lyonnaise des Eaux), 13 % à Saur (qui dépend de Bouygues) et 10 % à des filiales communes à ces trois groupes. Seuls 2 % du marché échappent à ces trois groupes. "Cette captation entre si peu d'opérateurs est de nature à entretenir des doutes quant à son caractère concurrentiel", écrit l'auteur du rapport. C'est le moins qu'on puisse dire. Par exemple, à Paris, partagé entre Vivendi et Suez, le prix moyen du mètre cube d'eau est passé, entre 1984 et 1997, de 4,40 F à près de 16 F. Le prix augmente mais la qualité de l'eau se détériore. Un rapport de la Cour des comptes en 1997 signalait que, "en 1991, un chiffrage avait estimé à plus de deux millions le nombre de Français recevant une eau non conforme aux normes sanitaires européennes, une nouvelle évaluation effectuée depuis a porté le nombre à cinq millions."

Dans le seul domaine de l'eau, Vivendi a réalisé l'an passé un chiffre d'affaires de 12,8 milliards d'euros (84 milliards de francs) et Suez de 9,1 milliards d'euros (60 milliards de francs). Ces deux compagnies sont devenues les leaders mondiaux du secteur, ce qui leur a permis de partir à la conquête de nouveaux domaines (Vivendi est devenu un géant de la communication et Suez de l'énergie).

Ces trusts de l'eau n'ont pas hésité à faire pression sur les maires. Pas étonnant qu'on ait bien souvent retrouvé dans les affaires de corruption la Générale ou la Lyonnaise des Eaux. Pas étonnant non plus que nombre de maires souhaitent en revenir aujourd'hui au système de la régie. Mais on ne recense que six cas de retour en régie en 1998 et quatre en 1999. C'est que, lit-on dans ce rapport, "le renforcement des normes de qualité de l'eau a rendu nécessaire le recours à des techniques de plus en plus complexes et difficiles à maîtriser pour les communes qui ont perdu leur savoir-faire". Dans le domaine de l'assainissement, "les procédés coûteux sont hors de portée des communes et font appel aux grands opérateurs privés qui renforcent à nouveau leur emprise sur le marché de l'eau".

En clair, les moyens financiers des trusts de l'eau accumulés sur le dos des collectivités locales et des consommateurs leur permettent de maintenir leur carcan sur les municipalités. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faudrait que les consommateurs contrôlent non seulement la qualité mais le prix de l'eau. Il faudrait prendre sur les profits des Vivendi, Suez et Bouygues pour qu'enfin l'eau du robinet soit bon marché, de bonne qualité et à portée de tous.

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