Un "coup de pouce" de 17 F par mois, il n'y a pas de quoi se dire de gauche, même si la droite proteste pour le principe29/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1720.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Un "coup de pouce" de 17 F par mois, il n'y a pas de quoi se dire de gauche, même si la droite proteste pour le principe

Comme chaque année, le 1er juillet, le gouvernement doit revaloriser le SMIC en fonction de la hausse officielle du coût de la vie. Si Jospin s'en tenait aux règles légales, le SMIC (pour 39 heures) devrait être augmenté de 3,76 %, soit 266 F par mois sur le salaire brut. Il passerait donc de 7 101 F pour 39 heures à 7 367 F. Pas vraiment de quoi faire bombance et payer l'augmentation du gaz, de l'électricité, de l'essence, des transports en commun, etc. Quant aux smicards qui ne sont censés travailler que 35 heures par semaine en moyenne, ils n'auraient droit, selon les mêmes normes de calcul, qu'à 2,85 % d'augmentation, 202 F de mieux par mois, toujours sur le salaire brut.

Le gouvernement a cependant décidé de donner "un coup de pouce" au SMIC. Il s'agissait paraît-il d'adresser un "signal" à l'électorat populaire... mais, nous dit-on, sans prendre de risque pour le bon fonctionnement de l'économie. Fabius et Hollande se sont déclarés opposés à une trop forte hausse du SMIC qui, selon eux, serait mauvaise pour les entreprises. Bref, le "coup de pouce" de Jospin s'est révélé particulièrement modeste, avec 4,05 % d'augmentation au total de hausse du SMIC. Le "coup de pouce" est donc de 0,29 %, ce qui représente environ 17 F sur le salaire net !

Il n'en a pourtant pas fallu plus pour qu'un certain nombre d'hommes politiques de droite, à commencer par l'ex-Premier ministre Balladur (qui fut responsable de la société du tunnel du Mont Blanc, de sinistre mémoire), crient au scandale et prophétisent la ruine des entreprises françaises, menacées par la hausse des salaires. Pourtant, dans leur ensemble, ces mêmes entreprises ont engrangé des profits considérables ces dernières années. Leurs actionnaires ont vu, non seulement leurs revenus, mais aussi leur capital, augmenter dans une proportion sans commune mesure avec la misérable augmentation du SMIC que le gouvernement envisage. Mais ces gens-là n'en ont jamais assez. Ce sont les mêmes qui envisagent sans sourciller de jeter des centaines de travailleurs à la rue, de ruiner une ville ou une région entière pour faire plus de profits et qui crient qu'on les égorge quand le gouvernement, dans l'espoir de retrouver un peu de crédit dans les masses populaires, envisage timidement de donner quelques francs supplémentaires aux smicards.

Que les patrons, que les hommes politiques à leur service essaient donc de nous démontrer comment on peut vivre, comment on peut élever une famille, avec des salaires au niveau du SMIC, même relevé de 4,05 % comme va le faire le gouvernement, même relevé de 5 % comme le réclamait le Parti Communiste.

Sans compter qu'il y a des milliers de travailleurs encore plus mal payés, à qui on n'a offert que des contrats sous-payés, des emplois à temps partiel non choisi ou qui, d'emploi précaire en emploi précaire, ont des revenus réels bien inférieurs au SMIC et auront des retraites en conséquence.

Depuis que le gouvernement Mauroy, auquel participait le Parti Communiste, a bloqué de fait les salaires, il y a presque vingt ans, les revenus des salariés ont pris un retard considérable. Et la lutte pour la revalorisation de tous les salaires, de toutes les pensions et retraites, devrait être un objectif commun à l'ensemble du monde du travail.

Des joutes électorales entre la gauche gouvernementale et la droite, nous n'avons rien à attendre que quelques centimes en plus ou en moins. Mais si, en 1936 comme en 1968, les salaires ont été revalorisés d'une manière qui aurait paru incroyable quelques jours plus tôt, c'est parce que la classe ouvrière était tout entière entrée en lutte, et que la trouille qui étreignait alors les patrons et les politiciens à leur service leur avait conseillé de céder.

Nous devons nous en souvenir. Rien ne nous sera donné si nous ne l'imposons pas. Mais parce que tous ces gens-là ne seraient rien sans nous, nous pouvons imposer nos revendications. Il ne nous manque que la conscience de notre force collective.

Partager