Serbie : Milosevic à La Haye ? De toute façon, un écran de fumée29/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1720.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Serbie : Milosevic à La Haye ? De toute façon, un écran de fumée

Les dirigeants de l'impérialisme américain ont obtenu satisfaction de la part du régime serbe. Par un décret, le 23 juin, des relations officielles ont été établies entre Belgrade et le Tribunal pénal international de La Haye, et le transfert de Milosevic devant ce tribunal pourrait avoir lieu dans les 15 à 20 jours.

Les pressions américaines en ce sens n'ont pas manqué au cours des derniers mois. C'était déjà un chantage au versement d'une aide de quelque 50 millions de dollars qui avait débouché sur l'incarcération de Milosevic le 1er avril, et cette fois les USA ont brandi la menace de boycotter une réunion sur l'aide à la République fédérale de Yougoslavie prévue pour le 29 juin.

A chaque fois, le dirigeant serbe Kostunica, malgré ses dénonciations répétées du Tribunal de La Haye et sa tentative de n'accuser Milosevic que de simples détournements de fonds au lieu des "crimes contre l'humanité" invoqués par La Haye, a fini par plier au dernier moment.

Ce n'est sûrement pas mus par un souci de "justice" que les dirigeants américains tiennent tant à voir comparaître devant ce tribunal international un Milosevic qu'ils ont traité pendant des années fort civilement, en tant qu'incontournable homme fort des Balkans. Mais, sans doute, après la campagne de bombardements sur la Serbie et le Kosovo qu'ils ont dirigée lorsqu'il fut devenu pour eux l'homme à abattre, tiennent-ils en revanche à confirmer leur volonté de contrôle absolu sur le pouvoir installé à Belgrade. Ils tiennent à la confirmer, entre autres pour Kostunica et les autres hommes politiques serbes, dont le programme nationaliste est de la même eau que celle du régime Milosevic (et peut-être susceptible de dérapages) ; et à la confirmer aussi, de façon bien visible, à l'intention de tous les autres leaders politiques de la région.

Le chantage à l'aide économique n'en est pas moins odieux pour la population d'un pays ravagé par des années d'embargo et par les destructions dues à la sale guerre de l'OTAN. Ce n'est qu'une variante de la loi du plus fort.

Des "révélations" ?

Il se trouve que, à peu près au même moment, la télévision officielle serbe montre des exhumations de cadavres d'un charnier de la banlieue de Belgrade (en précisant qu'il y en a d'autres). Pour la première fois, les autorités serbes, dont le ministère de l'Intérieur, admettent que des corps de Kosovars albanais, civils comme combattants, massacrés au Kosovo ont été ramenés par camions entiers pour être camouflés en Serbie. Cela afin de ne pas laisser de traces trop grossières dans un Kosovo désormais abandonné à la juridiction internationale.

Ce n'est pourtant pas une vraie révélation. Par exemple, il y a deux ans, en avril 1999, un de ces sinistres camions, un camion frigorifique, avait coulé dans le Danube, et il y aurait eu quelque 200 témoins lors de son repêchage...

Mais ce qui est nouveau, c'est qu'apparemment un choix politique a été fait par le gouvernement de Belgrade.

Dans un pays dominé par les chefs de l'armée, de la police et des services spéciaux, cela ne peut pas être simplement le fruit d'une coïncidence. Il est hautement probable qu'il y a au moins une part de mise en scène dans l'affaire de la "découverte" en Serbie de fosses communes d'Albano-kosovars.

Car, sur le plan politique, indépendamment même des convictions personnelles bien connues de Kostunica - nationalistes grand-serbes et antiaméricaines -, lui-même et son gouvernement sont dans la nécessité de trouver une parade pour ne pas paraître, en lâchant totalement Milosevic, capituler purement et simplement devant les diktats de l'Occident. Vis-à-vis d'une population traumatisée par l'agression de l'OTAN, démontrer, d'une part, qu'on ne plie que le couteau sur la gorge et, d'autre part, commencer à reconnaître qu'il y a bien eu des crimes de guerre mais en les imputant à la seule personne de Milosevic : tout cela peut aider à maintenir un pouvoir fragile.

Mais certainement pas à améliorer le sort des classes populaires, ni leur conscience.

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