Lire : La récolte douce des larmes d'Edwige Danticat08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1718.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Lire : La récolte douce des larmes d'Edwige Danticat

Ce roman se déroule en 1937, sur l'île des Caraïbes divisée entre Saint-Domingue d'une part, Haïti d'autre part. La partie orientale de l'île, qui porte le nom de République dominicaine, fut occupée par l'armée nord-américaine entre 1916 et 1924, armée qui laissa le pouvoir aux militaires dominicains, dont l'un des chefs, le général Trujillo, exerça une dictature féroce à partir de 1930.

Lorsque le roman commence, Trujillo vient de décréter que les immigrés haïtiens, travaillant dans les champs de canne à sucre de Saint-Domingue, sont trop nombreux. Ils menacent selon lui de dévoyer la culture espagnole des Dominicains puisque Haïti (occupée elle aussi par l'armée américaine entre 1915 et 1934) n'est qu'une île méprisable, déclare-t-il, seulement peuplée d'anciens esclaves noirs, ne parlant pas espagnol mais seulement créole. Trujillo excite alors la haine raciale contre ceux qui sont désormais désignés comme des étrangers à renvoyer chez eux, même s'ils vivent à Saint-Domingue depuis plusieurs générations. Il lâche ses escadrons de soudards pour ratisser les villages.

Qu'ils soient domestiques depuis de nombreuses années au service de grandes familles dominicaines, simples ouvriers agricoles vivant comme des bagnards sur les grandes exploitations de canne à sucre, prêtres, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, malades ou bien portants, les Haïtiens sont chargés de force dans des camions, entassés dans des prisons sommaires sous prétexte d'attendre qu'on les ramène à la frontière haïtienne. La plupart n'y parvinrent jamais, exécutés au cours du voyage, battus à mort dans les prisons, livrés au lynchage de la foule. Environ 20 000 Haïtiens, vivant et travaillant du côté dominicain de l'île, furent ainsi massacrés.

Les héros du livre sont pris dans la véritable chasse à l'homme organisée par le dictateur dominicain et bien peu y survivent. Avec sobriété, l'auteur, d'origine haïtienne, dresse le portrait de jeunes travailleurs haïtiens, mais aussi de quelques Dominicains pris dans la tourmente. La violence des événements se superpose à une misère sociale épouvantable et bouche toute perspective d'avenir aux personnages du roman, même si l'auteur entend montrer comment, malgré la mort et les difficultés à vivre chaque jour, les hommes et les femmes de ces deux pays savent tenir bon et résister face à tous ceux qui voudraient les anéantir.

Un livre poignant.

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