La loi Guigou votée, avec la caution des dirigeants du PCF : Il faut imposer l'interdiction des licenciements08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1718.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

La loi Guigou votée, avec la caution des dirigeants du PCF : Il faut imposer l'interdiction des licenciements

Comme il était malheureusement prévisible, la loi dite de "modernisation sociale" va passer avec la caution des députés du PCF. Après une dizaine de jours de conciliabules, de discussions dans les couloirs et les cabinets, après des déclarations et des rebondissements théâtralement montés en épingle par la presse et les responsables du PCF, les ministres PS et les parlementaires du PCF ont fini par trouver un accord.

Qu'ont donc changé ces tractations ? Rien sur le fond. La définition légale du licenciement économique a été modifiée. Désormais la loi précise qu'un licenciement économique devra être "effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par d'autres moyens, soit des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit la nécessité de réorganisations indispensables à la sauvegarde de l'entreprise". Un texte qui, même s'il était mis en application, ce qui n'est pas forcément pour demain, laissera toutes les portes de sortie à des patrons souhaitant supprimer des emplois. Faisons-leur confiance. Ils sauront bien inventer des "mutations technologiques" ou faire des calculs à leur façon pour démontrer leurs "difficultés économiques sérieuses" ou prouver qu'il leur faut procéder à une "réorganisation indispensable".

Autre innovation introduite dans la loi : le comité d'entreprise peut émettre "un avis sur l'opération projetée, et peut présenter des propositions alternatives". Il peut même s'opposer à des projets de restructuration qui impliquent des suppressions d'emplois, à condition de saisir un médiateur choisi, semble-t-il, sur une liste établie par le ministère du Travail. Pas de quoi faire frémir les patrons et les dissuader d'agir à leur guise.

Il eût été plus clair et plus concret de dire en quoi cette loi pourrait empêcher que les travailleuses et les travailleurs de LU-Danone, de Marks et Spencer, de l'Alstom, de Philips, de Moulinex et maintenant de Bata, et d'autres à venir, ne seraient désormais plus sous la menace d'être jetés à la rue, du fait de cette nouvelle loi. Si on ne nous le dit pas, c'est parce qu'elle ne change rien. D'ailleurs Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale résumait fort bien cela en expliquant, à l'émission "Les quatre vérités" sur France 2, le 13 juin, à quelques heures du vote, que la loi remaniée ne faisait que s'aligner sur la jurisprudence actuelle. Il eût été plus simple, plus clair, de voter une loi qui interdise les licenciements, sous peine de réquisition, plutôt que de nous servir ce charabia juridico-parlementaire. Mais c'est justement ce que les dirigeants socialistes, qui ne veulent en aucune façon remettre en cause la liberté du patronat d'agir à sa guise, et les représentants du PCF, qui ne veulent surtout pas remettre en cause leur alliance - il serait plus juste de parler de leur alignement - avec le PS, se refusent à faire.

Désormais il faudra peut-être parler non plus de la loi Guigou mais de la loi Guigou-Hue. Si l'étiquette change, de toute façon les travailleurs n'y auront rien gagné du tout. Et il n'est pas sûr que, de leur côté, les dirigeants du PCF y aient gagné beaucoup. Peut-être un peu de considération de la part de leurs partenaires du PS qui leur sauront gré d'avoir agi - une fois encore- de manière responsable, en mettant fin à ce que l'on a appelé, bien abusivement, une "crise au sein de la gauche plurielle". Mais il n'est même pas sûr que Jospin leur dise merci.

En revanche, ils ne peuvent guère espérer regagner la considération des travailleurs, ni même prétendre qu'ils en ont fini avec la crise, la vraie celle-là, celle qui oppose le monde du travail et ceux qui prétendent parler en son nom. Cette crise-là ne fait que s'approfondir, et pour cause. Car si les patrons licencient en rafales, les dirigeants du PS, et à leur remorque ceux du PCF, leur laissent les mains libres, se réfugiant derrière des faux-semblants. Et les effets de cette crise-là se manifesteront de plus en plus, dans la rue, dans les entreprises, là justement où les vraies lois se font.

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