Grande-Bretagne : Désavoué par l'électorat populaire, Blair n'en reprend pas moins son offensive antiouvrière08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1718.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Désavoué par l'électorat populaire, Blair n'en reprend pas moins son offensive antiouvrière

D'élection en élection Tony Blair et le Parti Travailliste vont de record en record. Après être arrivé au pouvoir, en 1997, avec un taux d'abstention comme on n'en avait jamais vu depuis la crise de 1929, sa réélection le 7 juin a vu les abstentions monter à leur niveau record de 1918, soit 42 % des inscrits ou près de 17 millions d'électeurs.

Grâce au suffrage majoritaire à un tour et à la déconfiture persistante du Parti Conservateur, aggravée par la floraison de petites formations de droite antieuropéennes, le Parti Travailliste ne laisse pas trop de plumes dans l'affaire. Il ne perd que six sièges et garde près des deux tiers de la Chambre des communes. Mais il n'en a pas moins perdu deux millions d'électeurs en quatre ans !

Derrière la montée de l'abstention

Les politiciens de tous bords n'ont pas manqué, comme toujours, de mettre la montée de l'abstention au compte de ce qu ils appellent l'"apathie" de l'électorat. Comme si ces mêmes politiciens avaient cherché à répondre aux préoccupations des électeurs en leur offrant un choix quelconque !

Mais, sur toutes les questions importantes pour la population, qu'il s'agisse de la privatisation des services publics ou de la crise du logement, du chômage ou de la précarisation de l'emploi, des retraites ou du sous-investissement chronique dans la Santé, les trois principaux partis qui occupent la scène politique britannique ont la même réponse : il faut s'appuyer sur le "marché" sans faire obstacle à l'"initiative privée".

Et tant pis si tout ce que le gouvernement Blair a bradé depuis quatre ans aux profiteurs, qu'il s'agisse de morceaux des services municipaux, de participations dans la Santé ou de parcs entiers de logements sociaux, se transforme en vache à lait du capital au détriment de la population laborieuse. Tant pis si les grands trusts qui ont vécu (et continuent à vivre) des subsides de l'Etat, comme le sidérurgiste Corus, Marconi dans l'électronique, BAE dans l'aéronautique ou British Telecom dans la téléphonie, licencient à tour de bras.

Pour tous ces politiciens qui se présentaient aux suffrages de la population le 7 juin, il faut bien que les capitalistes fassent du profit et que l'Etat prenne sur les budgets sociaux pour les aider à en faire plus. Et si cela signifie que des dizaines de milliers de travailleurs se retrouvent à la rue et contraints de survivre avec des boulots temporaires, souvent à temps partiel et au salaire minimum, après 20 ou 30 ans de labeur, c'est sans doute regrettable mais c'est une affaire "commerciale", comme disent ces messieurs, qui ne peut en aucun cas relever de la compétence du gouvernement.

Dans ces conditions, qu'est-ce qui aurait bien pu inciter l'électorat populaire à se sentir concerné par de telles élections ?

Ceux qui font mine de s'étonner du fait que 17 millions d'électeurs aient voté avec leurs pieds, se moquent donc tout simplement du monde. Et parmi eux, au premier chef, les leaders travaillistes dont la politique a fait au moins autant si ce n'est plus pour désorienter la population laborieuse que les dix-huit années de gouvernements conservateurs qui ont précédé l'arrivée de Blair au pouvoir.

Un pouvoir désavoué et affaibli

Quoi que puisse en dire Blair, l'élection du 7 juin constitue un désaveu de sa politique, même s'il s'agit d'un désaveu négatif exprimé essentiellement par l'abstention.

Ce désaveu est d'autant plus clair que, comme en 1997, c'est dans les vieux bastions travaillistes des circonscriptions ouvrières que l'abstention a le plus augmenté. Ainsi sur les 103 circonscriptions dans lesquelles le taux d'abstention a augmenté de 15 % et plus, 97 sont des circonscriptions ouvrières dont le député est travailliste. Au point qu'on trouve un taux de participation aussi bas que 34 % dans l'une des circonscriptions les plus pauvres de Liverpool, par exemple.

Le fait d'être désavoué n'empêche pas Blair de prétendre avoir remporté une victoire sans précédent et de poursuivre sa politique avec une virulence redoublée.

Ainsi, à peine le décompte des votes était-il terminé que le gouvernement annonçait la mise en place d'une réforme visant à transformer des milliers de cabinets médicaux et de centres paramédicaux dont la seule source de financement était jusqu'ici la Santé publique, en sociétés privées à capitaux mixtes dans lesquelles les grandes entreprises de santé du secteur privé seraient invitées à "investir", c'est-à-dire à ponctionner un bénéfice aux dépens de la santé des malades.

La composition du nouveau gouvernement, annoncée dans les jours suivants, est en elle-même tout un programme. Le ministère de la Sécurité sociale, qui s'occupait des allocations sociales et des retraites, disparaît pour la première fois depuis 1945. Il est vrai que sous le gouvernement Blair, la notion de sécurité pour les plus pauvres n'était déjà plus qu'une illusion. Mais dorénavant c'est officiel. De même disparaît le ministère de l'Emploi. Et ces deux ministères sont remplacés par un ministère du Travail et des Retraites qui ne laisse aucun doute sur le but, ouvert d'ailleurs, de Blair, d'imposer à tous de travailler à n'importe quel prix pour réduire le budget des allocations sociales.

Cela dit, quoi que puisse dire et faire Blair, son gouvernement ne peut se prévaloir que du soutien d'à peine plus de 24 % de l'électorat pour sa politique. De ce point de vue, c'est un pouvoir affaibli qui est sorti des urnes. Reste à savoir si la classe ouvrière prendra conscience de cet affaiblissement dans les mois qui viennent et du mécontentement réel qui existe dans l'ensemble de la population laborieuse. Si tel était le cas et si des manifestations de résistance à la politique de Blair commençaient réellement à voir le jour, le pouvoir pourrait bien être contraint à des reculades spectaculaires. En tout cas c'est ce que l'on peut souhaiter.

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