Emplois-jeunes : Pérenniser la précarité, à bon marché08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1718.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Emplois-jeunes : Pérenniser la précarité, à bon marché

Pour annoncer le plan du gouvernement concernant les emplois-jeunes, Elisabeth Guigou, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, était entourée de cinq autres ministres, pas moins. Ceux qui occupent un emploi-jeune se demandent ce qu'ils vont devenir au terme des cinq ans de leur contrat. Ils auraient sans doute préféré moins de ministres à leur chevet, et plus de précisions sur leur avenir.

Car si l'objectif claironné par le gouvernement est de "pérenniser" le dispositif des emplois-jeunes, Guigou ne s'est engagée ni sur l'embauche définitive des 277 000 emplois-jeunes actuellement en poste, ni sur la reconduction de l'ensemble du dispositif. Le gouvernement s'est contenté d'un effet d'annonce. Et comme souvent, derrière les gros titres des gazettes, c'est le brouillard.

Le brouillard a d'ailleurs été la règle depuis l'annonce du dispositif des emplois-jeunes par Jospin, lors de sa campagne législative de 1997. Au titre de la lutte contre le chômage, il avait avancé l'objectif de 700 000 emplois-jeunes à créer, moitié dans le secteur public et associatif, moitié dans le privé. Il avait même un temps proclamé que cela devait se faire en deux ans.

Laisser entendre que les patrons créeraient 350 000 postes pour des jeunes était, dès l'origine, un bluff grossier. D'autant que Jospin proclamait que "l'Etat n'a pas vocation à gérer l'économie", donc s'interdisait d'imposer quoi que ce soit au patronat. Ce chiffre de 350 000 n'était qu'une fausse fenêtre, que personne n'a même essayé d'entrouvrir.

Et pour les 350 000 autres, créés par l'État, destinés aux services publics, collectivités locales et associations, il a fallu le temps. Quatre ans après, on n'en est qu'à 277 000 emplois-jeunes annoncés : 70 000 dans l'Education nationale, 25 000 dans la police, 2 000 dans la justice, 64 000 dans les collectivités locales, 34 000 dans les entreprises et établissements publics et 82 000 dans les associations.

Quant au statut, c'étaient des emplois de droit privé, pas des postes bénéficiant du statut de fonctionnaire. Pas des emplois fixes non plus, mais à durée déterminée pour cinq ans au maximum, pour un salaire au Smic, ou un peu plus, selon le bon vouloir de l'employeur, qui bénéficiait de l'Etat de 100 000 F par an et par jeune.

On a pu voir rapidement que ces emplois correspondaient à une nécessité et ont donc largement été utilisés par les services publics ou les organismes d'intérêt public pour compenser l'insuffisance criante de personnel. Sans ces emplois, bien des collèges, des lycées, des écoles ou des associations ne pourraient tout bonnement pas fonctionner.

La logique et la justice voudraient que l'on titularise tous les emplois-jeunes en poste. La plupart des syndicats réclament d'ailleurs leur intégration dans la fonction publique (le syndicat enseignant de la FSU organise sur ce thème une journée d'action le 14 juin).

Mais ce n'est pas dans l'intention du gouvernement. Il pérennise la précarité du statut des emplois-jeunes, pas leur nombre actuel, ni l'emploi de ceux qui sont en poste. Il propose au contraire, si l'on comprend bien, que de nouveaux jeunes "tournent" sur un nombre de postes réduit.

Par exemple dans l'Education nationale et dans la police, les postes seraient maintenus, avec de nouveaux recrutés. Les anciens, s'ils veulent conserver un emploi, devront passer les concours de la fonction publique, un peu aménagés à leur intention et avec quelques actions de formation. Mais tout cela reste à définir et, entre l'annonce et les décrets, il y a plus loin que de la coupe aux lèvres.

En revanche pour les autres secteurs d'emplois-jeunes, en particulier pour les collectivités locales et les associations, ce seront des coupes claires et des budgets en chute libre. Les sommes prévues en donnent une idée. En 2001, 24 milliards sont prévus pour ces emplois-jeunes. Or 40 milliards seulement sont prévus pour les cinq ans de prolongation, de 2002 à 2007 : une réduction de plus des trois cinquièmes !

Les mesures annoncées sont encore du bricolage, reconduisant les postes les plus indispensables, pour pallier les carences les plus voyantes des services publics. Mais tout cela avec des budgets en baisse, en maintenant la précarité scandaleuse de ces emplois.

Si le gouvernement voulait vraiment lutter contre le chômage, comme il le prétend, il embaucherait massivement dans tous les services publics, à commencer par tous ces jeunes qui sont déjà en fonction et qui de plus, de ce fait, ont une expérience. Mais Jospin et Guigou sont eux-mêmes des patrons comme les autres, qui se servent de la précarité et des bas salaires, pour gérer au moindre coût le service public, au détriment de sa qualité.

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