Thomson Toulouse : Licenciements et suppressions d'emplois18/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1714.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Thomson Toulouse : Licenciements et suppressions d'emplois

Dans le milieu du "partenariat social" (comme aiment à se nommer parfois les dirigeants syndicaux concernés et le patronat) Thomson est considéré comme un laboratoire du "management social" ou, en termes moins choisis, de l'exploitation rationnelle du travail humain. Thomson est l'exemple même du tronçonnage d'un grand groupe en une jungle de sociétés et filiales, qui permettent de mieux se débarrasser des travailleurs quand le profit l'exige. Délocalisations, fusions, filialisations, suppressions d'emplois, sous-traitance et surtout sous-traitance des licenciements : la société Thomson, aujourd'hui Thales, en offre toute la palette... "Thomson est loin devant", comme l'exprimait un spot publicitaire. Loin devant pour les profits, mais les travailleurs, eux, sont laissés loin derrière. En 1985 déjà, l'ancien PDG Gomez affirmait, dans un show, qu'avec un marché moins porteur il entendait faire autant de profits. Ce qui fut dit, fut fait.

Voici ce que déclarait un certain Paul Calandra, directeur des ressources humaines et des affaires sociales de Thomson CSF en février 2000, dans le journal distribué à chaque employé : "Tout va bien. Les DRH de Thomson CSF sont les plus courtisés de la place de Paris. Ils le méritent bien puisqu'ils ont été formés par leurs syndicalistes, lesquels ont bien été aussi un peu changés par leur DRH.

Les syndicalistes de Thomson CSF sont les meilleurs de France parce que le groupe est ainsi fait que, même dans l'organisation de ses contre-pouvoirs, il ne connaît que l'excellence".

Ceci explique sans doute que l'on ne parle pas de Thomson quand on évoque les plans de licenciements ! Et pourtant, il y en a eu, et beaucoup. Thomson est vraiment loin devant.

Pour ne pas remonter trop loin, Thomson CSF en 1981, c'était 80 000 personnes. En 1999 c'était 40 000, et, en fin 2000, 65 000 personnes, dont 8 sur 10 (salariés) n'étaient pas dans le groupe en 1990 !

Comment ce yoyo est-il possible ?

D'abord il y a l'organisation de la société en des dizaines de sociétés : en ce moment, 69 sociétés. La même société pouvant exister sur plusieurs sites géographiques : par exemple Sextant à Paris, Toulouse et Bordeaux.

Il y a donc des pôles ; sous les pôles, des branches d'activités ; sous les branches, des sociétés ; et sous les sociétés, des filiales.

Des pôles d'activités à géometrie variable

Thomson CSF peut se séparer facilement par exemple d'un pôle d'activités qui ne l'intéresse plus. Dans le temps, elle s'est séparée du "médical" ; demain ce pourrait être par exemple le pôle "Technologies de l'Information et Services"... pour ne garder que les pôles "aéronautique" et "armement" et racheter ailleurs des sociétés de l'aéronautique ou d'armement, ou créer des filiales communes avec un autre groupe : Alcatel, Aérospatiale, Racal (groupe anglais, racheté par Thomson en 2000), ou Siemens.

Des activités sous-traitées

Thomson CSF peut se séparer d'une activité. Ainsi, par exemple la Mécanique à Sartrouville, a été cédée au groupe Balluffet, avec promesses de leur sous-traiter la mécanique du groupe... Puis on a prétexté le prix ou autre chose, et Balluffet n'a plus de travail : un an après les travailleurs sont licenciés, non par Thomson mais par Balluffet !

L'autre exemple plus connu à Toulouse (car les travailleurs se sont battus) c'est Thomainfor, chargé de la maintenance informatique et revendu à un groupe anglais : un an après, c'était le dépôt de bilan avec 300 licenciements.

Ou encore la production de condensateurs à Dijon, vendue à un groupe AVX qui s'occupera de réduire les effectifs.

Autre exemple : l'ensemble des services reprographie du groupe Thomson sont sous-traités et les travailleurs sont "cédés" au sous-traitant, avec des conditions inférieures bien sûr,... et tout en restant parfois dans l'entreprise.

Autre exemple encore, l'ensemble des standards téléphoniques du groupe est géré à Bordeaux, par un sous-traitant : vous pouvez toujours demander à la standardiste si elle n'a pas vu passer Monsieur Machin... vous n'aurez pas de réponse car la standardiste est à Bordeaux !

Des activités externalisées et filialisées pour être vendues

Pour ne prendre que Toulouse, il y a eu quatre externalisations, c'est-à-dire un déplacement géographique de l'activité. Ainsi l'activité appareils de mesures (60 personnes environ) a été transférée du quartier du Mirail à celui de Labège. Puis il y a eu filialisation de "l'externalisée" en une société indépendante. Et maintenant c'est la vente de cette filiale à l'anglais Livingston qui est en cours.

De même, Texen, bureau d'études, a été filialisé en janvier 2000, et a été revendu à Barco en janvier 2001 avec 130 personnes.

C'est aussi l'atelier des circuits imprimés usinés (CIU) qui a été cédé à un repreneur. L'atelier travaille quand même pour Thomson, mais les salaires sont 20 % inférieurs, et les cadences, comme la discipline, insupportables.

L'exemple de Thomson TSI Toulouse

Lorsque Thomson Services et Industries (TSI) a éclaté, on a vu toutes les procédures citées plus haut mises en oeuvre.

Cela a été préparé de longue date par des artifices comptables et de gestion. Ainsi TSI a dû payer le prix fort à toutes les autres Thomson du groupe : pour la location du bâtiment à Thomson Gestion Immobilière (TGI) ; pour les achats à Thomintex ; pour l'informatique à Syseca ; pour la maintenance informatique à Thomson Facility Management (TFM) ; pour la réception et l'expédition encore à Thomintex ; pour le téléphone, le gardiennage, le nettoyage, les espaces verts encore à Thomson Gestion Immobilière (qui elle-même sous-traite à Onet, ou même à Thomson Facility Management !). Ainsi, TSI a payé durant plusieurs années plus d'une centaine de forfaits de téléphone à Thomson Facility Management par l'intermédiaire de Thomson Gestion Immobilière... pour des travailleurs qui étaient partis depuis longtemps.

Bien sûr toutes ces sociétés de Thomson par lesquelles TSI passait faisaient du profit, pendant que TSI faisait de plus en plus de pertes. Jusqu'au but recherché : déclarer que TSI n'était pas rentable !

Après, il ne restait plus qu'à se débarrasser des travailleurs.

Après Texen, les appareils de mesure et les circuits imprimés, ce fut au tour de l'atelier de câblage. Et comme personne n'a voulu le reprendre, la direction a décidé de le fermer, mesure qu'Hélène Mignon, sénatrice PS, a trouvée justifiée car l'entreprise n'était pas "rentable"... On a vu comment ! Mais le groupe Thomson, lui, il est très rentable !

Quant aux responsables syndicaux, en excellents "partenaires sociaux", ils ont tout fait pour faire taire les travailleurs et empêcher toute publicité sur les licenciements de Thomson à Toulouse. Ils sont même allés jusqu'à proposer à la direction générale à Paris, une fermeture anticipée (décembre 2000, au lieu de 2001) en le justifiant ainsi auprès des travailleurs : "Nous pensions que vous alliez vous ennuyer"...

On parle moins de Thomson que de Danone ou de Marks et Spencer. Mais en décembre 1998, le PDG annonçait dans son journal Thom News la nécessité de 4 000 suppressions d'emplois dans le monde pour augmenter la marge des profits de 5,5 % à 7 % !

En mars 2000, il était content que le plan de restructuration commence à porter ses fruits : la rentabilité augmentait, les profits allaient continuer à progresser !

En septembre 2000, il s'auto-félicitait que 70 % des départs avaient été réalisés.

Voilà comment un grand groupe est saucissonné en autant de sociétés qu'il est nécessaire, pour se débarrasser quand besoin est, de telle ou telle activité... et des travailleurs qui vont avec ! Et tout cela en catimini ! Thomson est vraiment loin devant.

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