Moulinex-Brandt licencie, mais distribue des dividendes... et touche des subventions jusqu’en 200411/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1713.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Moulinex-Brandt licencie, mais distribue des dividendes... et touche des subventions jusqu’en 2004

Le groupe Moulinex-Brandt a annoncé un plan de 4 000 suppressions d'emplois dont 1 500 en France et la fermeture des usines de Lesquin (Nord), Cormelles-le-Royal (Calvados) et Alençon (Orne).

On a présenté ces licenciements comme les résultats d'un déficit chronique du groupe d'électroménager. Rien n'est plus faux.

Si Patrick Puy, le PDG du nouveau groupe, a présenté un déficit de 853 millions de francs le 30 décembre 2000, à la veille de la fusion, les propriétaires de Brandt ont versé 785 millions de francs aux actionnaires, soit quasiment l'équivalent du déficit.

Le groupe Moulinex a l'habitude de fabriquer les déficits. En 1996, lors d'une première saignée dans les emplois, Moulinex était soi-disant à l'agonie. Mais dès les plans passés, le taux de rentabilité financière d'après les chiffres de Moulinex eux-mêmes était de 13 %, soit pratiquement le seuil de rentabilité de 15 % qui selon les «investisseurs» correspond à la norme actuelle. Moulinex déclarait 203 millions de francs de bénéfices en 1998, puis 250 millions en 1999. En 2001 étaient prévus 400 à 500 millions de bénéfices.

Mais curieusement, les bénéfices se sont transformés en déficit, alors que le marché du petit électroménager ne connaît aucune récession et se porte même très bien. Il progresse de 3,7 % chaque année en France, d'après les chiffres du GIFAM (Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipements ménagers).

Mais l'explication des licenciements est ailleurs. Pierre Blayau, précédent PDG du groupe et massacreur d'emplois, expliquait crûment : «Les gains de productivité doivent être permanents» et avoue que ces dernières années la productivité en Europe dans son groupe a augmenté de 25 %. Effectivement le chiffre d'affaires par salarié est passé de 469 000 F en 1990 à 754 300 F en 1998, d'après les rapports annuels Moulinex.

Licencier pour augmenter la productivité, les profits et la valeur des actions, voilà la seule raison des licenciements annoncés à Moulinex comme ailleurs.

Les subventions et cadeaux fiscaux de l'État et des collectivités à Moulinex ne sont pas toutes secrètes. Interrogé par une commission d'enquête de l'Assemblée sur les aides aux grands groupes, Pierre Blayau, précédent PDG, n'a pas caché ce fait. Un tableau fourni par Moulinex récapitulait certaines de ces aides. Entre 1990 et 1999, le groupe a reçu des subventions-formation l'équivalent de 32 millions des francs, 19 millions de subventions et 45 millions de francs d'aides dites «remboursables», en théorie, car seuls 21 millions ont été effectivement remboursés.

Mais le plus énorme est bien l'exonération de charges dont il bénéficie grâce à la loi Robien. En effet, en juin 1996, Moulinex annonçait la suppression de 2600 emplois (dont 2 100 en France). En janvier 1997, Moulinex signait avec les syndicats, sauf la CGT, un accord De Robien. Il renonça alors à licencier 750 emplois (sur les 2 100 !). Selon la loi Robien, il s'agissait d'emplois... sauvés. En échange de ce pseudo-sauvetage et d'une baisse du temps de travail à 33 heures en moyenne, il y a eu la baisse des salaires et la flexibilité pour tout le monde. Les salariés, depuis cette date, peuvent travailler, en période haute, jusqu'à 10 heures par jour, 46 heures par semaine sur une semaine donnée. Selon le bon vouloir des directions locales, ils peuvent travailler aussi samedi et dimanche.

Le comble c'est qu'en vertu de la loi Robien, dans le même temps, la direction de Moulinex a bénéficié de l'exonération de charges sociales sur les 750 salariés «maintenus» pendant sept ans, jusqu'en janvier 2004, soit un milliard de francs d'après les chiffres publiés par L'Humanité. Mais si l'entreprise touche une telle subvention de la collectivité pendant sept ans, elle n'est tenue à maintenir ces emplois que pendant... deux ans. Cela n'a pas raté : deux ans après, jour pour jour, en janvier 1999, Moulinex licenciait à nouveau !

Et de plus, alors que l'entreprise affiche des bénéfices depuis 1997, elle ne paye pas d'impôt. En effet Pierre Blayau explique : «Nous disposons d'un report déficitaire de 2 milliards de francs. Ce report consiste à donner à l'entreprise la possibilité de ne pas payer d'impôt si elle fait des profits à partir du moment où elle a accumulé des pertes dans le passé ; on reporte la perte sur le bénéfice de l'exercice.» Les huissiers, banquiers et percepteurs n'ont jamais eu et n'auront jamais de telles gentillesses avec les salariés licenciés de Moulinex. «L'impôt saigne le malheureux, nul devoir ne s'impose aux riches, le droit des pauvres est un mot creux.» Ces paroles restent actuelles.

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