- Accueil
- Lutte ouvrière n°1713
- Contre la logique du profit : Interdiction des licenciements
Dans les entreprises
Contre la logique du profit : Interdiction des licenciements
Devant l'indignation suscitée par l'avalanche de fermetures d'usines, gouvernement et patronat tentent de justifier le premier son inaction, et le second son droit à licencier.
Côté gouvernement, avant d'évoquer les quelques mesurettes en préparation pour soi-disant renchérir le coût des licenciements, on ne manque jamais de répéter que, s'il y a des emplois supprimés, il y en aurait beaucoup plus de créés. A les en croire, face à la diminution du nombre de chômeurs enregistrée par l'ANPE, les plans sociaux de Danone, Moulinex ou Valéo ne seraient que l'arbre qui cache la forêt d'une économie où il serait de plus en plus facile de trouver, ou de retrouver, du travail. Cette manière de jongler avec les chiffres n'a rien à voir avec la réalité. Qu'est-ce que cela peut bien faire en effet qu'il y ait 13 000 demandeurs d'emplois en moins en mars dans les fichiers de l'ANPE, à tous ceux que le patronat envoie grossir les rangs des deux millions de chômeurs qui le restent ?
Si emplois créés il y a, ils ne sont pas dans les mêmes secteurs professionnels, pas pour les mêmes tranches d'âge, et encore moins dans les mêmes régions. Et ce sont la plupart du temps des CDD ou des emplois d'intérimaires, alors que les postes supprimés sont occupés par des travailleurs ayant souvent plusieurs dizaines d'années d'ancienneté. En quoi par exemple le sort d'une licenciée de chez LU ou Valéo peut-il être amélioré par le fait qu'à l'autre bout du pays une plate-forme d'appels téléphoniques embauche quelques CDD ? Et dans bien des régions, déjà lourdement frappées par le chômage, les salariés savent bien que l'idée même de retrouver un travail est plus qu'aléatoire.
Quant aux patrons, ils répètent la complainte inaugurée voici déjà un mois par Franck Riboud : «Il ne faut pas attendre de faire des pertes pour prendre des décisions difficiles».
A les en croire, cela permettrait de combiner des plans sociaux plus favorables aux travailleurs, et aussi d'éviter d'autres fermetures d'usines par la suite. Comme si des licenciements avaient jamais été une garantie contre les licenciements suivants !
Riboud est d'ailleurs bien placé pour le savoir, lui qui avoue avoir fermé quarante usines en vingt ans ! Et quant à la qualité des plans sociaux, personne ne se fait d'illusion. Dire que l'on proposera trois emplois dans le département aux licenciés, comme le fait ce même Riboud, c'est, comme le disent les travailleurs de Calais, être «un magicien ou un beau parleur». Pour parler poliment ! D'ailleurs, la distinction est parfois difficile à faire entre les entreprises qui font des bénéfices et celles qui prétendent être en déficit. Valéo, par exemple, affiche cette année des pertes, mais c'est uniquement parce qu'elle a prévu des provisions en vue des licenciements. Dans les grands groupes, la nécessité d'afficher des bénéfices ou des pertes relève tout autant de la stratégie boursière que de l'état réel de l'entreprise, et Seillière, le principal actionnaire de Valéo, n'est certainement pas en moins meilleure position que Riboud.
Pour des gens comme eux, fermer une usine, ruiner une région, c'est juste un moyen de faire davantage de profits en concentrant la production sur un nombre réduit de sites. Ils sont en permanence engagés dans un jeu de restructuration à l'échelle mondiale, abandonnant une branche entière d'industrie par-ci, fermant un site de production par-là, pour optimiser leurs profits. Peu leur importent les hommes et les femmes qui les ont enrichis pendant des années, pas plus qu'ils ne prêtent attention au fait que des productions utiles puissent être abandonnées au passage. Car ces usines que l'on ferme produisaient des marchandises qui correspondaient à des besoins qui sont loin d'être saturés, comme disent les économistes.
Face à cette prétendue logique, c'est donc un geste de légitime défense élémentaire que d'exiger l'interdiction pure et simple des licenciements, en attendant de pouvoir bâtir une société où les usines serviront à produire les biens utiles à la population, et non plus avant tout des profits pour les actionnaires.